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Mercredi à Paris, on appréciait les 23 degrés et le beau soleil qui nous réchauffe un peu le bout du nez après un mardi de grisaille relativement déprimant. Un petit rab d’été, comme on dit. Mais on ne s’y trompe pas : le calendrier affichait «21 septembre», et on se dit que cette date marque le passage à la nouvelle saison. Quoique… On a demandé à Google de vérifier la «date automne», et sur kalendrier.com et aussi icalendrier.fr, premiers sites à avoir répondu présent, il est clairement écrit que l’automne 2016 débute le 22 septembre. Ah bon, parce que ça varie comme les vacances scolaires ? Y aurait-il une mystérieuse haute autorité des saisons qui fixe chaque année la date officielle ?
Une question d’angle
SCHÉMA LIBÉ D’APRÈS UNE IMAGE DE L’OBSERVATOIRE DE PARIS |
Pas du tout, c’est scientifique. La date de l’automne est fixée au moment précis de l’équinoxe, cette période de l’année où le jour est aussi long que la nuit partout sur la Terre. Il y a deux équinoxes : celui de printemps, situé autour du 21 mars, et celui d’automne, vers le 22 septembre. Le plan de l’équateur est alors aligné avec le centre du Soleil, dont la lumière baigne équitablement toute la planète.
Entre mars et septembre, en revanche, c’est l’hémisphère Nord qui est le mieux exposé au Soleil. Les journées y sont plus longues, et la lumière de notre étoile y arrive avec un angle plus vertical. C’est pour ça que ses radiations sont plus efficaces et que la saison est plus chaude dans l’hémisphère Nord : c’est l’été (rien à voir avec la distance Terre-Soleil, donc). Pendant ce temps, l’angle est moins bon dans l’hémisphère Sud. Les rayons du Soleil sont plus rasants, ils chauffent moins, les journées sont plus courtes, et c’est l’hiver. Entre septembre et mars, la situation s’inverse.
La haute autorité des saisons
Cette année, le moment où le Soleil passe au zénith sur l’équateur sera donc le 22 septembre à 14 heures et 21 minutes en temps universel, soit 16h21 à l’heure de Paris. Les calculs ont été réalisés par l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE), créé en 1998 au sein de l’Observatoire de Paris. Grand patron de la mécanique céleste en France, c’est l’organisme qui est chargé de fixer ce qu’on appelle les éphémérides – la date des phénomènes astronomiques qui se répètent à intervalles plus ou moins réguliers. Sur le site de l’IMCCE, on trouve ainsi la date de toutes les éclipses de Soleil et de Lune jusqu’en 2050, les phases de la Lune jusqu’en 2500, et même le lever héliaque de Sirius – le moment où cette étoile apparaît à l’horizon Est dans les lueurs de l’aube, un truc super pointu mais super important pour les Egyptiens de l’Antiquité.
Quant aux équinoxes, ils sont indiqués jusqu’en 2500, mais aussi en remontant le temps jusqu’à l’année -4000. En faisant quelques essais avec leur bouton «Calcul», on remarque que la date est beaucoup plus stable dans le futur que dans le passé : à partir de notre époque, l’arrivée de l’automne zone toujours entre le 22 et le 23 septembre. Et très exceptionnellement le 21 (la prochaine fois, on sera en 2092) ou le 24. Cette stabilité commence précisément en l’an 1583… l’année où l’on a instauré le calendrier grégorien en France, en Espagne et au Portugal (avant que d’autres pays suivent).
Au fil des années bissextiles
Avant, on utilisait le calendrier julien, datant comme son nom l’indique de Jules César, qui l’a pompé sur les Egyptiens pour faire mieux correspondre le calendrier annuel avec la révolution de la Terre autour du Soleil. Le calendrier julien a inauguré le concept d’année bissextile et de jour supplémentaire à intercaler tous les quatre ans à la fin février, pour rattraper notre avance sur la position réelle de la Terre.
Mais ce calendrier a continué à se décaler lentement par rapport à la réalité : la date légale de l’équinoxe «remontait» dans le calendrier par rapport à l’équinoxe astronomique. En l’an zéro, l’équinoxe arrivait le 25 septembre. En 700, ça tombait le 19 septembre. En 1400, le 14 septembre…
CHRISTOPHORUS CLAVIUS, LE SAVANT ALLEMAND QUI A CONCOCTÉ LE CALENDRIER GRÉGORIEN, ADOPTÉ EN 1582 (GRAVURE FRANCESCO VILLAMENA). |
Alors en 1582, on a sauté dix jours pour se remettre à l’heure, puis on a changé le mode de calcul des années bissextiles dans le nouveau calendrier grégorien : désormais, elles arriveraient tous les quatre ans sauf – attention, accrochez-vous – les années qui sont multiples de 100 sans être multiples de 400. Les années 2000 et 2400 sont bissextiles, par exemple, mais pas 2100, ni 2200, ni 2300. Et là, on tient à peu près le bon rythme.
Aujourd’hui, donc, l’équinoxe d’automne se décale lentement du 22 septembre vers le 23 septembre chaque année, à raison de 6 heures par an, car la Terre tourne autour du Soleil en 365 jours et 6 heures alors que notre année civile fait 365 jours tout court. A chaque année bissextile, l’automne remonte au 22 septembre. Enfin, dans l’hémisphère nord tout du moins. Car pendant qu’on se demande si c’est l’automne en France, les pays du Sud fêtent l’arrivée du printemps.
Camille Gévaudan