[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Il y a quarante ans, le 31 janvier 1977, le musée d’Art moderne était inauguré. Décrié et raillé avant son ouverture, il est devenu un emblème de l’art moderne et contemporain, un lieu ouvert qui ne désemplit pas.
Il y a quinze jours, le Centre Pompidou revendiquait, à juste titre, 600 000 visiteurs pour la grande exposition « Magritte », depuis le 21 septembre et jusqu’à sa fermeture, soit en seize ou dix-sept semaines. Plus de 5 500 personnes par jour. Au même moment, depuis son vaisseau amiral de l’ouest de Paris avec ses voiles de verre gonflées par l’architecte Frank Gehry, qui a déjà signé le Guggenheim de Bilbao, la Fondation Vuitton affichait plus de 600 000 visiteurs en dix semaines pour la grande exposition de la collection Chtchoukine, avec ces Matisse, Gauguin, Picasso… Difficile de ne pas voir, dans les publicités parallèles faites à ses deux chiffres, une sorte de réponse de la danseuse privée du milliardaire Bernard Arnault au berger de l’art moderne et contemporain que reste le Centre Pompidou.
Une rivalité entre les plus grands musées au monde
|
PHOTO VINCENT BERNARD |
Car, au-delà de la qualité des œuvres elles-mêmes – et la collection Chtchoukine mérite assurément le détour –, ce qui se joue aussi, c’est une bataille de blockbusters, ce qui, traduit en français, veut dire bombes de gros calibre, pour la conquête des publics, à laquelle le Centre Pompidou ne peut échapper, quand bien même son actuel président, Serge Lasvignes, assure avec pertinence et conviction qu’il ne veut pas que le Centre devienne « une usine à touristes dont le seul but est de gérer les flux ».
La bataille n’est pas que parisienne, loin s’en faut ; elle ne se joue pas non plus prioritairement entre initiatives privées et action publique. Elle est aussi, à l’échelle mondiale, une concurrence et une rivalité entre les plus grands musées au monde, que ce soit la Tate Gallery de Londres (avec la Tate Modern), le Moma de New York.
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
L’enjeu n’est pas seulement de notoriété ou, s’il l’est, c’est aussi parce qu’il se joue en termes de financement, public ou privé, avec un mécénat de plus en plus important – particulièrement pour un établissement comme le Moma –, et que c’est le nerf de la guerre de l’art. Il est indispensable pour rester dans la course en tête, du point de vue de l’offre artistique faite à des publics toujours plus vastes mais partagés entre conformisme et attrait de la nouveauté.
D’où la difficulté, pour le Centre Pompidou, à la fois de faire des entrées et de ne pas perdre son âme, celle-là même qui en fit, dès son ouverture en 1977, le symbole mondial de la modernité même, tel que l’avait voulu, dès 1969, Georges Pompidou, président de la République de droite, mais aussi homme de grande culture.
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Il s’agissait, dès cette date, de construire « un ensemble monumental consacré à l’art contemporain». Il ne serait pas seulement un musée, mais comprendrait aussi une bibliothèque publique, des salles de cinéma, des ateliers pédagogiques, un centre de création industrielle et, autour de la personnalité de Pierre Boulez, l’Ircam, l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique, véritable creuset de la musique contemporaine.
Maurice Ulrich