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LES SALARIÉS DE LA MINE L’ESCONDIDA, DANS LE NORD DU CHILI, SONT EN GRÈVE, LE 9 FÉVRIER 2017 |
« Nous sommes prêts à résister le temps qu’il faudra », a prévenu vendredi 10 février Carlos Allendes, le porte-parole du Syndicat des travailleurs d’Escondida, la plus grande mine de cuivre au monde, qui se trouve en plein désert d’Atacama, dans le nord du Chili. La grève « illimitée », qui a débuté la veille pour des revendications salariales, a été approuvée par « 99,9 % » des 2 500 salariés, après « plusieurs semaines de négociations infructueuses », selon M. Allendes, qui se prépare à un conflit « dur ».
ce mouvement a contraint la compagnie minière anglo-australienne BHP Billiton à paralyser totalement, pour au moins quinze jours, sa production. Le groupe a invoqué une clause, dite de force majeure, à laquelle peuvent recourir les producteurs de matières premières s’ils sont dans l’impossibilité de respecter leurs contrats pour des raisons échappant à leur contrôle.
Cette annonce a fait grimper le prix du cuivre à Londres, les marchés internationaux s’inquiétant de potentielles difficultés d’approvisionnement, la mine d’Escondida représentant à elle seule 5 % de l’offre mondiale.
Le pays détient 20 % des réserves mondiales d’or rouge
Le gouvernement chilien de centre-gauche de Michelle Bachelet redoute, pour sa part, les répercussions que pourrait avoir ce conflit sur une économie déjà affaiblie. « Cette grève pourrait affecter plus gravement le produit intérieur brut [PIB] que les incendies de forêts – les plus graves de l’histoire du Chili – qui ont ravagé le pays fin janvier », estime le ministre des finances, Rodrigo Valdes.
Le Chili détient 20 % des réserves mondiales de cuivre et l’or rouge a longtemps été le moteur de l’économie du pays, à l’origine du dénommé « miracle chilien ». La mine d’Escondida assure 25 % de la production de cuivre chilien, soit environ 927 000 tonnes de métal rouge par an. « Escondida est probablement le principal acteur économique privé », explique, depuis Santiago, l’économiste Carlos Guajardo, indiquant « qu’elle représente près de 1 % du PIB chilien et 10 % des exportations nationales ».
Le président d’Escondida, Marcelo Castillo, a appelé les grévistes à éviter « tout acte de violence » et à « respecter la loi » alors que les mineurs ont installé un campement provisoire à l’extérieur de la mine et constitué un fonds de soutien de 250 millions de pesos (367 000 euros). La direction du groupe a créé une commission chargée d’assurer la sécurité des personnes et des installations.
Les mineurs, qui travaillent douze heures quotidiennes pendant sept jours puis se reposent une semaine, réclament une hausse de 7 % de leurs rémunérations et un bonus de 25 millions de pesos (près de 37 000 euros) chacun. La direction, elle, propose un bonus de 8 millions de pesos, sans augmentation de salaire.
Les conflits miniers pourraient se multiplier
« Escondida a les travailleurs les mieux payés du Chili, avec des salaires moyens de 150 000 dollars [141 000 euros] par an », pointe Gustavo Lagos, expert du secteur à l’Université catholique de Santiago. Pour les Chiliens, un emploi dans les mines de cuivre, contrôlées par la puissante Corporation nationale du cuivre (Codelco), a longtemps été considéré comme un privilège en matière de salaires et d’avantages sociaux. Les syndicats miniers ont une longue tradition de conquêtes sociales. Des grèves avaient d’ailleurs déjà eu lieu sur ce site, en 2006, puis en 2011, toujours pour des revendications salariales. Les mouvements avaient, à l’époque, duré respectivement vingt-cinq et quinze jours.
Les conflits miniers pourraient se multiplier au Chili, 2017 étant l’année du renouvellement des conventions salariales. Or les groupes miniers ne sont plus aussi généreux avec leurs salariés que par le passé. Ils ont en effet souffert de la chute des cours du cuivre sur les marchés internationaux, plombés notamment par l’essoufflement de la demande de la Chine, principal consommateur et importateur de cuivre dans le monde. Résultat, BHP Billiton avait licencié une centaine de personnes au début de l’année dernière, tout en réduisant les bonus et autres avantages des salariés.
Fin 2016, le cours du cuivre a toutefois remonté dans la perspective de chantiers d’infrastructures aux Etats-Unis après l’élection de Donald Trump, pour gagner 30 % en moins d’un mois, atteignant, fin novembre, 6 000 dollars la tonne. Les prix fluctuent depuis autour de ce niveau, le plus haut en un an et demi, mais bien loin des 10 000 dollars atteints en 2011.
Le sort d’Escondida inquiète d’autant plus les marchés que la situation semble également instable dans la deuxième mine du monde, Grasberg, en Indonésie, gérée par l’américain Freeport-McMoRan. De nouvelles réglementations minières bloquent, depuis le 12 janvier, les exportations de concentré de cuivre.