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mardi 6 février 2018

PÉDOPHILIE AU CHILI : UNE LETTRE MET EN DOUTE LES AFFIRMATIONS DU PAPE



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JUAN CARLOS CRUZ LIT SA TABLETTE TACTILE  PENDANT UN 
ENTRETIEN AVEC L'ASSOCIATED PRESS À PHILADELPHIE, 
DIMANCHE, LE 4 FÉVRIER 2018. 
PHOTO YVONNE LEE
François aurait eu connaissance du témoignage d’une victime dès 2015, selon une lettre révélée lundi par l’agence Associated Press.
Par Cécile Chambraud


LE PAPE FRANÇOIS À IQUIQUE (CHILI), 
LE 18 JANVIER 2018.
PHOTO MARTIN BERNETTI
 
Les révélations mettant le pape François chaque fois plus en difficulté se succèdent dans le scandale de pédophilie qui secoue le clergé chilien. L’agence Associated Press a révélé, lundi 5 février, que le chef de l’Église catholique aurait eu entre les mains, dès 2015, la lettre d’une victime du père Fernando Karadima témoignant des agressions sexuelles commises par ce prêtre de Santiago, reconnu coupable par l’Église au terme d’un procès canonique en 2011.

L’IMPOSITION DES MAINS
LES ÉVÊQUES ET LEUR 
LEADER CHARISMATIQUE 
FERNANDO KARADIMA 
PHOTO TWITTER 
Cette victime, Juan Carlos Cruz, a précisé dans sa lettre que l’évêque Juan Barros, à l’époque l’un des protégés de Fernando Karadima, avait été à de nombreuses reprises témoin de ces agressions sans jamais tenter de s’y opposer. C’est sa nomination comme évêque d’Osorno par le pape, en janvier 2015, que de nombreux catholiques de ce diocèse du sud du pays reprochent à François aujourd’hui. 

Or, lors de la conférence de presse qu’il a tenue dans l’avion qui le ramenait de sa visite au Chili et au Pérou, le 22 janvier, le pontife argentin avait affirmé à la journaliste de l’agence qui l’interrogeait : « Vous, avec bonne volonté, vous me dites qu’il y a des victimes, mais moi je ne les ai pas vues, parce qu’elles ne se sont pas présentées. » « Elles n’ont pas apporté d’éléments à charge », avait-il insisté. 

« ÉVÊQUE BARROS »
DESSIN GUILLO
Il avait longuement pris la défense de Mgr Barros, qui nie avoir été au courant des faits reprochés à Fernando Karadima : « Moi aussi je suis convaincu qu’il est innocent. » Il avait révélé avoir par deux fois refusé sa démission, une fois en 2014 et une autre après la bronca soulevée au Chili par sa nomination au siège épiscopal d’Osorno. Les révélations concernant la lettre rendent difficiles à comprendre ces déclarations.

« Calomnies »

En 2015, Juan Carlos Cruz a rédigé cette lettre de « huit pages » et aurait demandé à des membres de la commission pontificale pour la protection des mineurs de la faire parvenir au Vatican. Quatre membres de cet organisme créé par François en 2014 se seraient rendus à Rome en avril 2015 pour la confier à leur président, le cardinal américain Sean O’Malley. Celui-ci leur aurait assuré plus tard qu’il l’avait transmise au pape. L’archevêque de Boston aurait aussi confirmé à Juan Carlos Cruz, après la visite du pape à Philadelphie, en septembre 2015, avoir donné sa lettre au pape en main propre.

« POUR CROIRE EN NOUS IL FAUT AVOIR LA FOI, 
MAIS POUR QUE JE CROIE EN VOUS 
IL FAUT M'APPORTER DES PREUVES. »
Rejoignant ceux d’autres victimes, le témoignage de Juan Carlos Cruz décrit comment, dans le groupe de prêtres et d’adolescents fédérés par le charismatique père Karadima, les attouchements sexuels auraient été monnaie courante, le prêtre réclamant des jeunes qu’ils se plient à ses demandes. Quatre évêques, dont Juan Barros, et de nombreux prêtres chiliens sont issus de ce groupe.

La contestation autour de Mgr Barros a totalement dominé la visite du pape au Chili, du 15 au 18 janvier. Avant de quitter le pays, François avait encore attisé la tension en affirmant qu’il n’y avait «pas une seule preuve » contre le prélat, victime selon lui de « calomnies ». Ses propos dans l’avion du retour n’ont rien arrangé. À tel point que, une fois à Rome, le pontife a dû décider, le 30 janvier, d’envoyer prochainement à Santiago un représentant pour écouter les accusateurs de Mgr Barros.