L’ancienne présidente chilienne n’arrive pas en terrain inconnu. Après un premier mandat à la tête du Chili en 2006, elle avait rejoint l’organisation ONU femme en 2010, où elle avait passé plus de deux ans et demi à promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes, avant de revenir aux affaires à Santiago, en 2014, pour un deuxième mandat. Elle s’était alors positionnée pour la dépénalisation de l’avortement et l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, dans un pays très attaché à sa tradition catholique.
« Pas loin d’être la candidate parfaite »
« Elle coche toutes les cases », résume un diplomate, qui estime « qu’elle n’est pas loin d’être la candidate parfaite ». Femme, originaire de l’hémisphère Sud pour tordre le cou à l’idée que les droits de l’homme ne seraient que « l’affaire des Occidentaux », l’ancienne pédiatre a aussi vécu « les violations des droits de l’homme dans sa chair ». Son père, le général Alberto Bachelet, est mort à 51 ans dans une prison militaire pendant la dictature d’Augusto Pinochet.
Mme Bachelet et sa mère ont été arrêtées peu de temps après le coup d’État militaire en 1973. Jetées en prison et torturées, les deux femmes ont dû s’exiler à leur libération. « En tant que victime elle-même, elle apporte une perspective unique sur l’importance de défendre avec vigueur les droits de l’homme », a réagi Kenneth Roth, directeur de l’organisation Human Rights Watch.
Proche des dirigeants du monde entier, fine connaisseuse des rouages de la diplomatie mondiale, Michelle Bachelet devrait passer sans mal du Palais de la Moneda, à Santiago, au Palais Wilson, à Genève. Mais elle prendra les rênes d’une institution fragilisée par le vent populiste qui souffle sur le monde et le retrait des États-Unis du Conseil des droits de l’homme, en juin.
« Un des jobs les plus difficiles du monde »
Elle devra surtout rétablir un climat de confiance avec des États membres qui ont peu apprécié les saillies du Haut-Commissaire aux droits de l’homme sortant. Critique féroce du président des États-Unis, Donald Trump, qu’il avait accusé d’être « un danger pour l’humanité », il s’en était aussi pris au premier ministre hongrois Viktor Orban, qualifié de « raciste», et avait demandé « une évaluation psychiatrique » du président philippin Rodrigo Duterte.
Homme de média et de coups de gueule, M. Zeid avait fini par agacer les États membres, qui lui reprochaient « de ne pas servir la cause des droits de l’homme ». Lors d’un entretien à New York avec des journalistes la semaine dernière, il avait toutefois confié avoir tiré de son expérience dans les Balkans la conviction que « le silence ne vous assure aucun respect ». Avant d’ajouter :
« Nous n’avons pas humilié les gouvernements. Ils se sont couverts de honte eux-mêmes. »
Mme Bachelet, qui « prend l’un des jobs les plus difficiles du monde », selon un responsable, sera jugée sur sa capacité à être une critique honnête, indépendante et responsable. Washington, qui avait un autre favori, a salué cette nomination en appelant la Chilienne à éviter les « erreurs du passé » vis-à-vis d’Israël et en soulignant l’incapacité de l’organisation à mettre un terme aux violations des droits de l’homme à Cuba et au Venezuela. Deux gouvernements avec lesquels Mme Bachelet a entretenu une certaine proximité et sur lesquels elle sera attendue et jugée.
De même avec le Nicaragua, qui connaît une crise politique majeure. À sa successeure, M. Zeid a d’ailleurs prévu de donner trois conseils :
« Etre honnête, ne pas faire de discrimination envers un quelconque pays et être prêt à ferrailler. »