PRÊTRE FRANÇAIS ANDRÉ JARLAN « C’est au Chili que j’ai découvert, fin 1998, l’histoire de cet homme. Je vivais depuis quelques semaines dans ce pays où j’avais décidé de m’installer pour suivre “ l’affaire Pinochet ” qui avait éclaté avec l’arrestation de l’ancien dictateur chilien à Londres.
Une femme croisée dans un café m’avait invité à connaître le quartier de La Victoria. À la retraite après une longue carrière à l’étranger, Gloria consacrait une grande partie de son temps au fonctionnement d’une cantine populaire dans cette «poblacion ».
Grâce à sa protection et ses précieux conseils, j’avais pu parcourir les rues de ce quartier, désormais rongé par la drogue et la violence, qui avait maintes fois tenu tête aux forces répressives pendant la dictature de Pinochet. Gloria m’a montré les fresques sur les murs hérités de cette période.
Et sur plusieurs d’entre elles se trouvait le portrait d’un homme en soutane, avec la phrase « Justice pour Andre Jarlan ». J’ai ainsi découvert l’histoire et le parcours de cet homme qui avait choisi de se rendre dans ce lointain pays pour se trouver aux côtés des opprimés.
Il avait notamment rejoint un autre prêtre français, Pierre Dubois, déjà présent depuis plus de vingt ans au Chili au moment de son arrivée.
En avril 1999, j’accompagnais le ministre français de la Coopération, Charles Josselin, venu rendre hommage à cet homme d’église lors d’une visite au Chili. J’avais alors pu rentrer dans la maison en bois de La Victoria et pénétrer dans la chambre d’André Jarlan, restée intacte quinze ans après sa mort : un lit, une table, une chaise et un trou dans un mur fait par la balle qui l’a mortellement touché, le 4 septembre 1984.
Ce jour-là, la situation était très tendue dans les rues de La Victoria. Dans l’après-midi, André Jarlan s’était assis à sa table pour lire la Bible. Une balle tirée par un policier l’a atteint dans la nuque et il s’est écroulé sur le livre saint.
C’est au cours de cette visite ministérielle que j’ai appris qu’André Jarlan était natif de Rignac, dans l’Aveyron, à quelques kilomètres du village dans lequel réside une grande partie de ma famille maternelle.
Je me suis alors senti encore plus proche de cet homme que j’ai peut-être croisé dans les rues de Rignac lorsque j’étais enfant. Et le destin tragique de ce prêtre, parti défendre très loin de sa terre natale aveyronnaise ses idées et sa religion, reste pour moi un exemplaire symbole d’engagement. »