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mardi 25 novembre 2014

LE CHILI, TERRE D’ACCUEIL DES PALESTINIENS


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RUE  MARCHANDE  DE  RECOLETA.  LES  PREMIERS  MIGRANTS
SONT ARRIVÉS À LA FIN DU XIXE SIÈCLE, FUYANT LA PALESTINE
POUR ÉCHAPPER À LA DOMINATION OTTOMANE.
RFI / INÈS OLHAGARAY
salem travaille dans une minuscule boutique de vêtements. « Je suis arrivé en 1976 à l’âge de 24 ans. Le climat, les fruits, la nature, ici tout ressemble à la Palestine », dit-il. Comme Salem, les premiers migrants palestiniens ont été séduits par le climat méditerranéen de la région de Santiago. Lorsqu’ils ont quitté la Palestine à la fin du XIXe siècle pour échapper à la domination ottomane, beaucoup ont embarqué à bord de navires en direction de l’Espagne. Tentés par le « Nouveau Monde », ils ont poursuivi leur route jusqu’en Amérique du Sud. Ceux qui ont eu l’audace de traverser la cordillère des Andes ont trouvé au Chili une douceur de vivre qui leur a rappelé la Palestine. Ils n’en sont plus jamais repartis.



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RECOLETA, À SANTIAGO DU CHILI. LA PLUPART DES MIGRANTS
PALESTINIENS SONT REGROUPÉS DANS LA COMMUNE DE RECOLETA
RFI / INÈS OLHAGARAY
Les conflits qui ont ensuite déchiré les territoires palestiniens ont provoqué plusieurs vagues de migration. Juste à côté de la boutique de Salem, Michel vend des chemises fantaisies. Lui est parti de Bethléem après la guerre des Six-Jours. « La vie était trop difficile en Palestine et il n’y avait pas de travail, raconte-t-il. Je me suis installé au Chili en 1968. J’avais 7 oncles qui vivaient déjà là-bas. » Une rue plus haut, Jado, 40 ans, est le gérant d’un kebab. C’est après la seconde Intifada, en 2001, qu’il a décidé de quitter Beït Jala pour de bon. « Quand j’étais plus jeune, je manifestais dans les rues mais maintenant je me dis que ça ne vaut plus la peine. C’est pour ça que j’ai préféré partir. » A côté de la caisse, Jado a soigneusement disposé plusieurs images de la Vierge Marie, couleur pastel. Au Chili, plus de 90% des Palestiniens sont des chrétiens orthodoxes, originaires de Bethléem ou de Beït Jala.

« Des gens qui travaillaient dans la restauration»

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À RECOLETA, ON NE PEUT PAS FAIRE UN PAS SANS
TOMBER  SUR  UNE  ENSEIGNE  TENUE  PAR  UN
PALESTINIEN.  AU  CHILI,  PLUS  DE  90 %   DES
PALESTINIENS SONT DES CHRÉTIENS ORTHODOXES.
 RFI / INÈS OLHAGARAY
 La communauté compte une minorité de musulmans, comme Ali. Né à Bagdad, il a vécu pendant quatre ans dans un camp de réfugiés à la frontière de la Syrie et de l’Irak, jusqu’au jour où une délégation du gouvernement chilien est venue lui proposer l’asile. «C’était fin 2007. Ils voulaient faire venir des gens qui travaillaient dans la restauration. Comme c’est ce que je faisais, ils m’ont sélectionné », confie-t-il. Cent vingt réfugiés palestiniens sont ainsi choisis dans le cadre du programme Chili, terre d’accueil. Sept mois plus tard, Ali part pour Santiago avec sa famille. Le gouvernement met à sa disposition un appartement à Recoleta. Ali apprend l’espagnol, travaille dans une fabrique de chaussettes avant d’ouvrir sa pâtisserie en 2013.

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DANS  LA  RUE  MARCHANDE  DE  RECOLETA,  LES DRAPEAUX
PALESTINIENS FLOTTENT SUR LES DEVANTURES DES VITRINES
 RFI / INÈS OLHAGARAY
Assis à la terrasse du Café Beït Jala, Rami, 35 ans, espère lui aussi devenir un jour son propre patron. C’est le chômage qui l’a poussé à quitter la Palestine. « Je suis arrivé fin juin et ce n’est pas facile. Je trouve qu’il y a du racisme ici. À mon travail, je dois surveiller d’autres employés qui, eux, sont Chiliens. Ils m’insultent en espagnol, ils insultent ma mère et mon pays », dit-il. Sur les murs du café, des photos de Beït Jala nourrissent la nostalgie des clients. Encadré tel un trophée, le maillot du Deportivo Palestino trône en bonne place. Cette équipe de football palestinienne, créée au Chili en 1920, fait la fierté de la communauté et alimente les discussions des hommes qui se rassemblent chaque matin pour prendre le premier café de la journée. «Même le maire vient ! », assure Rosalie, la propriétaire.

« Les premiers se sont installés là pour faire du commerce »

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DANIEL JADUE, PETIT-FILS D’UN IMMIGRANT PALESTINIEN
VENU DE BEÏT JALA, EST NÉ À RECOLETA. IL Y A PASSÉ
LA PLUS GRANDE PARTIE DE SA VIE AVANT
D’EN DEVENIR LE MAIRE IL Y A DEUX ANS.
RFI/INÈS OLHAGARAY
Daniel Jadue est le petit-fils d’un immigrant palestinien venu de Beït Jala. Né à Recoleta, il y a passé la plus grande partie de sa vie avant d’en devenir le maire il y a bientôt deux ans. Dans son bureau, il reçoit en bras de chemise et grignote des pâtisseries arabes. «Recoleta accueillait tout ce que la ville ne voulait pas voir, les marchés, les prostituées, les centres d’accueil, raconte-t-il. Les prix n’y étaient pas chers et les premiers Palestiniens se sont installés là pour faire du commerce. C’est ce qu’on fait quand on ne maîtrise pas une langue. Ensuite, pour s’intégrer et se divertir, ils ont fondé le Deportivo Palestino. Et pour achever leur intégration, ils ont créé des œuvres caritatives. » Daniel Jadue est aussi le vice-président de la Fédération palestinienne du Chili. « Deux fois par an, nous organisons une " Opération Retour " pour maintenir les liens de la communauté avec la terre de nos ancêtres. Certains vont en Palestine pour la première fois avec nous. » 

« Je pensais qu’une fois mariée, il m’enverrait étudier au Chili »

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MARLÈNE A RENCONTRÉ SON ÉPOUX À L’ÂGE DE 19 ANS
À BETHLÉEM. PALESTINIEN, IL VIVAIT AU CHILI DEPUIS
PLUS DE VINGT ANS ET TENAIT UNE BOUTIQUE DE
TEXTILE  DANS  LE  CENTRE-VILLE  DE  SANTIAGO.
RFI / INÈS OLHAGARAY

Non loin de Recoleta, de l’autre côté de la rivière Mapocho, se trouve le quartier huppé de Las Condes. Marlène Sabag habite au 12e étage d’un immeuble moderne avec une vue imprenable sur la cordillère des Andes. A 73 ans, Marlène continue de se rendre à Bethléem chaque année. C’est là, dans sa ville natale, qu’elle a rencontré son époux à l’âge de 19 ans. Palestinien, il vit au Chili depuis plus de vingt ans déjà et tient une boutique de textile dans le centre-ville de Santiago. Marlène rêve de faire des études d’architecture à l’étranger. « Je pensais qu’une fois mariée, j’irais au Chili et qu’il m’enverrait étudier. » Elle l’épouse au bout d’un mois et rentre avec lui au Chili en 1960.

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MICHEL  VEND  DES  CHEMISES  FANTAISIES.  IL  EST   
PARTI DE BETHLÉEM APRÈS LA GUERRE DES SIX-JOURS.
QUAND IL S’INSTALLE AU CHILI, EN 1968, DÉJÀ  
SEPT  DE
SES  ONCLES  VIVENT  LÀ-BAS.   RFI  /  INÈS OLHAGARAY
La jeune fille est vite déçue. « Mon mari m’a dit : " Tu restes avec moi et tu travailles ici."  Alors, j’ai commencé à coudre des draps qui se sont vendus comme des petits pains. J’ai gagné de l’argent, je suis devenue indépendante et je suis partie à New York en 1972. J’ai demandé à mon oncle : " Quelle est la meilleure boutique de draps ici ? " Il m’a dit : " Cannon ". Je suis allée à l’usine, j’ai acheté deux conteneurs que j’ai fait venir au Chili et j’ai tout vendu en un mois. »

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LES CULTURES CHILIENNES ET PALESTINIENNES
COHABITENT DANS LES RUES DE RECOLETA.
RFI / INÈS OLHAGARAY
Marlène continue de vendre du linge de maison sous la franchise Cannon et les affaires de la famille Sabag prospèrent. La même année, elle retourne pour la première fois en Palestine. « Je me suis rendu compte que la guerre avait créé beaucoup de pauvreté. On m’a demandé de l’argent pour de la nourriture et des vêtements mais pour moi le plus important, c’était l’école. Alors, j’ai commencé à envoyer de l’argent directement à de bons collèges pour payer la scolarité de certains enfants très pauvres à Bethléem. »

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PLUS DE 300 000 PALESTINIENS VIVENT AU CHILI.
RFI / INÈS OLHAGARAY
Lorsque son mari décède, en 1985, Marlène s’engage auprès de l’association des « Dames palestiniennes ». Depuis ce jour, elle collecte de l’argent pour financer la scolarité de dizaines d’enfants chrétiens de Bethléem. A chacune de ses visites, Marlène vient vérifier les carnets de notes et aide ceux qui ont fini le lycée à entrer à l’université. « Une fois diplômés, la plupart partent travailler à l’étranger. Mais au moins, comme ça, ils peuvent aider leur famille », dit-elle en souriant.