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mercredi 12 octobre 2016

DÉCOUVERTE DE L’AMÉRIQUE ET HISTOIRE OFFICIELLE

L'ARRIVÉE DE CHRISTOPHE COLOMB SUR LES RIVAGES
DU NOUVEAU MONDE, À SAN SALVADOR, LE 12 OCTOBRE 1492
 GRAVURE DE DIÓSCORO PUEBLA , 1862.
Qui a donné leurs premiers noms au maïs et à la pomme de terre, et à la tomate, et au chocolat, et aux montagnes, et aux fleuves de l’Amérique ? Hernán Cortés ? Francisco Pizarro ? Ceux qui vivaient là, étaient-ils muets ?

On nous a dit et on continue à nous dire que les pèlerins du Mayflower sont venus peupler l’Amérique. Mais l’Amérique était-elle inhabitée ?

Comme Colomb ne comprenait pas ce qu’ils lui disaient, il a cru qu’ils ne savaient pas parler.

Comme ils étaient nus, comme ils étaient dociles et comme ils donnaient tout en échange de rien, il a cru que ce n’étaient pas de gens de raison.


Ensuite, au cours de son second voyage, l’Amiral a dressé un acte stipulant que Cuba faisait partie de l’Asie.
Le document, daté du 14 juin 1494, mentionne que les membres d’équipage de ses trois caravelles le reconnaissaient ainsi ; et que quiconque oserait soutenir le contraire serait condamné à cent coups de fouet, à dix mille maravédis d’amende et à avoir la langue tranchée.

Le notaire, Hernan Pérez de Luna, a signé l’acte et au bas de la page ont signé aussi les marins qui savaient signer.

Les conquistadors exigeaient que l’Amérique soit ce qu’elle n’était pas. Ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient, mais ce qu’ils voulaient voir : la fontaine de jouvence, la cité d’or, le royaume des émeraudes, le pays de la cannelle. Et ils ont dépeint les Américains comme ils avaient imaginé auparavant les païens d’Orient.

Christophe Colomb a vu, sur les côtes de Cuba, des sirènes avec des visages d’homme et des plumes de coq, et puis il a su que, non loin de là, les hommes et les femmes avaient une queue.

 GRAVURE 1599 REPRÉSENTANT LA TRIBU AMAZONIENNE SANS TÊTE,
L'EWAIPANOMA. SIR WALTER RALEIGH SUPPOSÉMENT RENCONTRÉ
CETTE TRIBU TOUT EN RECHERCHANT EL DORADO.
En Guyane, selon Sir Walter Raleigh, il y avait des gens avec les yeux sur les épaules et la bouche sur la poitrine.

Au Venezuela, selon Frère Pedro Simón, il y avait des Indiens avec des oreilles si grandes qu’elles traînaient par terre.

Sur le fleuve Amazone, selon Cristóbal de Acuña, les natifs avaient les pieds à l’envers, avec les talons devant et les orteils derrière et, selon Pedro Martín de Anglería, les femmes se mutilaient un sein pour pouvoir tirer à l’arc plus facilement.

Anglería qui a écrit la première histoire de l’Amérique, mais qui n’y est jamais allé, a aussi affirmé que dans le Nouveau Monde il y avait des gens avec des queues, comme l’avait raconté Christophe Colomb, et que leurs queues étaient si longues qu’ils ne pouvaient s’asseoir que sur des sièges avec des trous.

Le Code Noir interdisait la torture des esclaves dans les colonies françaises. Cependant ce n’était pas pour torturer mais pour éduquer que les maîtres fouettaient leurs noirs et quand ils s’enfuyaient, ils leur coupaient les tendons.

Elles étaient émouvantes les lois des Indes qui protégeaient les indiens dans les colonies espagnoles. Mais bien plus émouvants encore étaient le pilori et la potence plantés au centre de chaque place principale.

Elle était rudement persuasive la lecture de la sommation qui, à la veille de l’assaut livré à toute bourgade, expliquait aux Indiens que Dieu était descendu sur Terre et qu’il avait laissé à sa place Saint Pierre et que Saint Pierre avait pour successeur le Saint Père et que le Saint Père avait fait grâce à la reine de Castille de toute cette terre et que c’était pour cela qu’ils devaient quitter les lieux ou payer un tribut en or et qu’en cas de refus ou de retard, guerre leur serait faite et ils seraient faits esclaves, eux, mais aussi leurs femmes et leurs enfants. Mais cette sommation d’obéissance était lue en rase campagne, en pleine nuit, en langue castillane et sans interprète, en présence du notaire, mais sans la présence d’un seul indien parce que les indiens dormaient à quelques lieues de là sans se douter le moins du monde de ce qui allait leur tomber dessus.

Jusqu’à il n’y a pas très longtemps, le 12 octobre était le Jour de la Race. Mais est-ce qu’une telle chose existe ? Qu’est ce que la race ? Est-ce autre chose qu’un mensonge utile pour dépouiller et exterminer son prochain ?

En 1942, quand les Etats-Unis sont entrés dans la guerre mondiale, la Croix-Rouge de ce pays a décidé que le sang noir ne serait pas admis dans ses banques de plasma. On évitait ainsi que le mélange des races, interdit au lit, se fasse par voie d’injection. Mais quelqu’un a-t-il jamais vu du sang noir ?

Ensuite, le Jour de la Race est devenu le Jour de la Rencontre.

Les invasions coloniales sont-elles des rencontres ? Celles d’hier et celles d’aujourd’hui, sont-elles des rencontres ? Ne faudrait-il pas plutôt les qualifier de viols ?

Peut-être l’épisode le plus révélateur de l’histoire de l’Amérique est-il advenu en l’année 1563, au Chili. Le fortin d’Arauco était alors assiégé par les indiens, sans eau ni vivres, mais le capitaine, Lorenzo Bernal, refusa de se rendre. Du haut de la palissade, il cria :

- Nous, nous serons de plus en plus nombreux !

- Avec quelles femmes ?, demanda le chef indien.

- Avec les vôtres. Nous leur ferons des enfants qui deviendront vos maîtres.

Les envahisseurs ont appelé cannibales les anciens Américains, mais plus cannibale encore était le Cerro Rico de Potosí dont les les bouches des mines dévoraient de la chair indienne pour alimenter le développement capitaliste de l’Europe.

Et on les a appelés idolâtres parce qu’ils croyaient que la nature est sacrée et que nous sommes tous frères de tout ce qui a des jambes, des pattes, des ailes ou des racines.

Et on les a appelés sauvages. Sur ce point au moins ils ne se sont pas trompés. Les indiens étaient tellement idiots qu’ils ne savaient pas qu’il leur fallait demander un visa, un certificat de bonne conduite et un permis de travail à Christophe Colomb, à Cabral, à Cortés, à Alvarado, à Pizarro et aux pélerins du Mayflover.

Source : Brecha (http://www.brecha.com.uy/), Montevideo, octobre 2005.

Traduction : Manuel Colinas. Traduction revue par l’équipe du RISAL.