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jeudi 3 janvier 2019

À PALERME ET À NAPLES, LES MAIRES REFUSENT D’APPLIQUER LE « DÉCRET SALVINI »

LE MAIRE DE PALERME, LEOLUCA ORLANDO,
 DANS SA VILLE, EN 2012.
PHOTO MARCELLO PATERNOSTRO 
D’après la nouvelle loi promue par le ministre d’extrême droite, les demandeurs d’asile ne pourront plus s’inscrire sur les registres de l’état civil et donc posséder un domicile légal. Une mesure anticonstitutionnelle et inhumaine, estiment certains maires italiens, qui ont fait savoir qu’ils ne l’appliqueraient pas.
MATTEO SALVINI
LEADER DE FACTO DE L'ITALIE
D’une certaine manière, s’amuse La Repubblica, Leoluca Orlando a appliqué le célèbre slogan de Matteo Salvini : il est passé “des paroles aux actes”.
« Après avoir qualifié le décret sécurité et immigration d’‘inhumain et criminogène’, le maire de Palerme, Leoluca Orlando, a donné l’instruction suivante à ses équipes : les articles de cette loi qui sont considérés comme anticonstitutionnels et préjudiciables aux droits des migrants ne seront pas appliqués. Leurs effets sont suspendus.  » 
Ce décret, rappelle le journal de centre gauche, est “l’étendard” du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, également leader de la Ligue, parti d’extrême droite, et homme fort du gouvernement, qui a fondé sa communication sur sa ligne très dure en matière d’immigration.

Une loi emblématique

Surnommé  le « décret salvini », le texte, approuvé fin novembre par le Parlement, prévoit notamment la suppression de la “protection humanitaire”, le type de protection le plus souvent accordé aux demandeurs d’asile, et l’allongement de la période légale de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière de trois à six mois. Mais surtout, souligne Il Post, il interdit l’inscription des demandeurs d’asile sur les registres d’état civil, ce qui revient à les empêcher d’avoir un domicile légal et donc, entre autres, d’ouvrir un compte en banque ou de trouver un emploi. “Une mesure considérée par beaucoup comme vexatoire et dénuée d’avantages”, observe le site d’information, d’autant plus qu’elle vise des migrants en situation régulière.

“C’est une loi inhumaine et criminogène”, a estimé Leoluca Orlando.
« Inhumaine parce qu’en supprimant le concept de protection humanitaire, elle supprime toute compréhension du drame des migrants. Criminogène, parce qu’elle confère un statut illégal à des personnes en situation légale, qui disposent d’un permis de séjour. Et pour moi, pas question d’être complice d’une violation évidente des droits de l’homme, de droits prévus par la Constitution, comme le droit à l’instruction et aux soins de santé dont jouissent les personnes légalement présentes sur le territoire national.  » 
Orlando a été rejoint par le maire de Naples, Luigi de Magistris, précise La Repubblica, et à Milan, Pise ou Florence, d’autres édiles ou conseillers municipaux se sont montrés “politiquement d’accord mais plus prudent sur la question de la désobéissance”.

De son côté, Matteo Salvini a réagi sur Facebook : “C’est très grave. Les maires devront en répondre personnellement, sur le plan légal, civil et pénal”.

Mutinerie ou rébellion éthique

Dans la presse, les réactions sont très partagées, comme toujours sur les questions d’immigration, éminemment clivantes dans le débat italien.

À droite, Il Tempo fustige des “maires hors-la-loi” dont Libero condamne le “putsch”. Quant à Il Giornale, il assure que la “mutinerie” de ces maires ne vise qu’à “sortir de l’ombre” et à faire parler d’eux.

LEOLUCA ORLANDO, EN OCTOBRE DERNIER, LORS D’UNE
MANIFESTATION DE SOUTIEN À L’ONG « SOS MÉDITERRANNÉE »
PHOTO LA REPUBBLICA
 
À gauche en revanche, Il Manifesto salue un acte de “désobéissance civile”. De même que La Repubblica, pour qui “il ne s’agit certainement pas d’associer Leoluca Orlando à Gandhi ou Luigi de Magistris à Martin Luther King. Simplement, il n’a jamais été aussi juste de dire que se rebeller est un devoir. Dans cette Italie qui est passée trop vite de la rancœur à la méchanceté, l’acte de ces maires est, au-delà de la rébellion éthique, une bénédiction politique.”