FRAGMENTS DU MUR DE LA MÉMOIRE À SANTIAGO DU CHILI. PHOTO ANÍBAL JOFRÉ.
A Santiago, une fresque photographique rassemble les portraits de 900 détenus éliminés sous Pinochet.Santiago du Chili
Le Mur de la mémoire ressemble à un album de famille pour Ana Gonzalez. Il réunit les photos de son mari, de deux de ses fils et de sa belle-fille. «Il en manque même une cinquième, celle de l'enfant que ma belle-fille portait en elle au moment de sa détention», explique Ana, très émue à la vue de cette immense fresque photographique. Inaugurée il y a une dizaine de jours à Santiago du Chili, cette oeuvre est constituée de 908 portraits de détenus toujours portés disparus de la dictature d'Augusto Pinochet. Des espaces ont été laissés libres, afin de pouvoir ajouter ultérieurement 284 photos encore manquantes.
DES SURFACES DU MUR EXPOSÉES À L' DÉTÉRIORATION DES VISAGES PAR L'INTENSE SOLEIL D'APRÈS-MIDI. PHOTO ANÍBAL JOFRÉ. |
Exécutions. Le choix de ce lieu est symbolique. Face à ce Mur de la mémoire a été exécuté en septembre 1973 le prêtre espagnol Joan Alsina. Quatorze personnes ont connu le même sort quelques semaines plus tard. Et une vingtaine de mètres séparent cette fresque photographique de la rivière Mapocho, dans laquelle ont été jetés les cadavres de nombreux opposants pendant la dictature.
Ce projet est inspiré d'une installation similaire en Italie, sur le campanile de la Ghirlandina, à la mémoire des habitants de Modène victimes des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Créateur du mur chilien, Claudio Perez a tenu à mettre un visage sur ces centaines de victimes. Beaucoup d'entre elles apparaissent dans des scènes anodines: en train de faire du vélo, de partager un repas ou en maillot de bain. Des photos qui évoquent la vie et renforcent ainsi le drame vécu depuis plus d'un quart de siècle par plusieurs centaines de familles chiliennes.
Soutenu par le Fonds de développement des arts et de la culture (Fondart), ce projet artistique est une première au Chili. Il existe certes déjà un monument à la mémoire des détenus disparus, au cimetière général de Santiago. Mais il s'agit d'une liste de noms qui ne possède pas la force de cette mosaïque. La jeunesse de certains visages ne peut qu'interpeller les passants. Ordonnée par date de détention, de septembre 1973 à novembre 1989, cette galerie réunit les portraits de centaines d'hommes, de femmes et d'enfants opposés à l'instauration d'une dictature au Chili.
« RATTRAPAGE D'UN REGARD ». PHOTO NICOLAS VERDEJO. |
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