Sergio Larraín fait partie de cette génération qui a écrit
les débuts du photo-journalisme. Enfant de la bourgeoisie chilienne, il
découvre petit à petit la photographie à travers l’objectif d’un Leica, qu’il
apprend à maîtriser au cours de ses voyages en Amérique du Sud, en Bolivie, au
Pérou et au Chili. En voyage en Europe, il a la chance de rencontrer Henry
Cartier-Bresson à la fin des années 50, qui l’invite à rejoindre sa coopérative
Magnum Photos. Dès lors, Sergio Larraín parcourt le monde pour illustrer
l’actualité mondiale.
Il s’installe deux ans à Paris, et part faire des
reportages, que ce soit en Iran où il couvre le mariage du shah, ou en Italie
où il enquête sur la mafia sicilienne. Très vite, il ressent cependant la
nécessité de rompre avec ce milieu, qui consume son besoin d’indépendance et
nuit à la qualité de son travail. Déçu également par l’incapacité de la
photographie à changer le monde, il s’en retourne donc au Chili où il se plonge
dans une quête spirituelle, passant les trente dernières années de sa vie à
pratiquer du yoga et à entretenir une riche correspondance, isolé à Tulahuén,
dans la région de Coquimbo. C’est là qu’il s'éteint le 7 février 2012.
Une photographie de la marginalité
ALBERTO HURTADO CRUCHAGA ET DES ENFANTS DES RUES |
Les images de Sergio Larraín, en noir et blanc, sont le
signe d’une photographie spontanée, qui cherche toujours à capter le détail qui
fera toute la magie de la photo. Une attitude qui réclame une émancipation
totale : « Une bonne image résulte d’un état de grâce. La grâce s’exprime quand
elle est libérée des conventions, comme pour un enfant qui découvre la réalité.
Le jeu consiste alors à organiser le rectangle» . Ses photos suscitent le
questionnement, et si le cadrage parait parfois hasardeux - il joue énormément
avec les symétries, les formes et les perspectives -, l’exposition consacre
l’appareil photo comme miroir de la société, et celui qui le tient comme son
témoin le plus subjectif. En agençant certaines photos ensemble, elles
deviennent les pièces d’un puzzle, celui de la société.
Il y a derrière ces photos une déclaration d’amour qui est
faite au Chili. A ses orphelins, à ses prostituées, à ses chiens errants. A
force de photographier les vagabonds, Sergio Larraín en devient un, et parcourt
de son regard la réalité du monde qui l’entoure. L’exposition devient une porte
d’entrée dans le quotidien d’un artiste, enrichie de ses reportages, ses
dessins, et ses citations.
Clément Ourgaud (www.lepetitjournal.com/Santiago) Vendredi 4
avril 2014
Rétrospective Sergio Larraín jusqu'au 15 juillet 2014, au
Musée Bellas Artes de Santiago
Parque Forestal de Santiago, (métro Bellas Artes), Ouvert de
Mardi à Dimanche, de 10h00 à 18h50.