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PHOTO DIEGO URBINA |
L’image arrête l’œil. Sa plastique pop colorée au néon, son grain caractéristique de la chimie des photos argentiques, qui immanquablement donne envie de toucher. Surtout, la douceur de la posture des personnages, leurs scintillements sous les yeux. On hésite, larmes ou maquillage ? Que nous y est-il raconté ? L’intimité d’un couple casté à Brooklyn et branché sur la dernière saison de Stranger Things ? Deux mannequins qui ne se connaissaient pas il y a cinq minutes encore, mimant la proximité pour nous vendre slip kangourou et soutien-gorge à dentelle ?
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« DES IMMIGRANTS AU CHILI : LE NOUVEAU STYLE »
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En dehors de foyers très minoritaires au nord, la présence de populations noires est presque inédite dans ce territoire où dominent les origines indigènes et européennes, et une telle évolution ne vient pas sans son lot de curiosités, de fantasmes, parfois de xénophobie.
Le photographe Diego Urbina a commencé à documenter cette migration il y a deux ans, alors qu’elle devient plus visible à Santiago. «J’ai longtemps fait de la photo de rue, en me rendant dans les espaces où les migrants travaillent. En créant du lien, je suis peu à peu invité dans leurs espaces privés, c’est ce que j’explore aujourd’hui.» Une série qu’il a développée lors d’un atelier auprès du photographe berlinois Paul Hutchinson, puis exposé lors du Festival international de photographie de Valparaiso en novembre. Le questionnement de l’atelier ? «Comment penser le processus photographique au-delà du simple travail documentaire, pour le rapprocher du poétique?»
Les images de Diego Urbina transcendent amplement les codes du travail documentaire «classique» - narration journalistique, lumière naturelle, plans larges. Yeri et son frère Alejandro se sont rendus au studio du photographe et y ont apporté des objets leur rappelant leur quotidien à Cali, qu’ils observent hors-champ sur la photo ci-contre, comme en écho à leur déracinement. Il s’agit d’une mise en scène, mot longtemps tabou au sein de cette branche de la photographie, tandis que la plastique lorgne l’univers de la mode, tendance Petra Collins pour les néons pop.
En 2015, le World Press Photo avait été retiré au photographe Giovanni Troilo à la suite d’une polémique autour de ses images de Charleroi, qui avaient heurté les habitants de la ville. La mise en scène n’était pas explicitée - problématique pour un prix de photojournalisme. Le débat sur les frontières du genre documentaire ne doit pas, pour autant, être clos. Diego Urbina : «Lorsqu’il y a un contenu fort, il n’y a pas de limites aux formes de représentation qui l’explorent.»