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mardi 5 juin 2018

MORT DE MARC OGERET, CHANTEUR POÉTIQUE ET POLITIQUE


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MORT DE MARC OGERET, CHANTEUR
POÉTIQUE ET POLITIQUE
Immense interprète, figure de la chanson rive gauche, le chanteur est mort lundi, à l’âge de 86 ans. Il a chanté Aragon, Genet, Couté…, la Révolution française, la Commune de Paris, le Chili d'Allende et des chansons d’amour…
Valérie Lehoux
MARC OGERE
PHOTO GETTY IMAGES
Il est des artistes dont le nom représente bien plus que leur surface médiatique. Qui incarne une époque, un esprit. Tel était Marc Ogeret, né à Paris en 1932, et qui vient de disparaître après une vie de convictions, passée à défendre les grands textes et la cause des plus faibles.

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Dans le sillage d’un Brassens ou d’une Anne Sylvestre, il avait forgé son destin dans les cabarets rive gauche des années 50, période bénie de la création hexagonale où le concept encore neuf de « chanson française » ne se concevait pas sans engagement poétique ou politique.

Pour sa part, il aura endossé les deux, chantant aussi bien Jean Genet, Aristide Bruant ou Pierre Seghers, que les airs révolutionnaires qui ponctuèrent l’histoire de France. D’ailleurs, s’il prenait soin de les enregistrer, ce n’était pas à titre de conservation, mais parce qu’il voulait en faire vivre la flamme politique. Démarche en tout point cohérente : hors de scène, Ogeret était un syndicaliste combattif, famille Cégétiste.

Dans la lignée d’un Ferré

Sans doute tout amateur de « chanson française » se doit-il de posséder au moins l’un de ses disques. Ma collection personnelle en compte deux : non pas le tout premier de 1962 (qui pourtant lui avait valu le grand prix de l’Académie Charles Cros), mais le suivant, Marc Ogeret chante Aragon (1967), qui reste emblématique de son amour du verbe et qui l’inscrivit très naturellement dans la lignée d’un Ferré – même si jamais, il n’en égala ni la notoriété ni la force d’interprétation.

Mon second disque de Marc Ogeret date de 1968 ; il est consacré aux chants de la Commune de Paris. Son parfum d’insoumission colle à l’air du temps qui flottait alors sur les milieux estudiantins et intellectuels – et qui, justement, constituaient l’essentiel de son public. Un disque, comme un marqueur du temps.

Cela suffit-il à cerner l’univers d’Ogeret ? A coup sûr, non. Avec le recul, c’est un autre album dont j’aurais aimé posséder l’édition originale : son Condamné à mort, sorti en 1970. Un long texte subversif de Jean Genet mis en musique par Hélène Martin, autre figure de la chanson rive gauche – qui l’avait elle-même interprétée dès 1961. Quand, en 2010, Etienne Daho exhuma ce Condamné à mort pour le chanter avec Jeanne Moreau, sur disque et sur scène, toute la presse salua son audace… Oubliant souvent au passage l’apport originel d’Hélène Martin. Il serait juste aujourd’hui qu’on reconnaisse aussi celui d’Ogeret, qui l’avait enregistré quarante ans plus tôt.