Catégorie

jeudi 26 mars 2009

BERLIN, LA VILLE QUI CHANGE PLUS VITE QUE MON CŒUR

STATUES DE KARL MARX ET FRIEDRICH ENGELS À BERLIN
PHOTO YVES TENNEVIN
Tous les soirs pendant des mois, Reynold Reynolds a posé sa caméra au bord du chantier. Histoire de filmer la «déconstruction» de ce symbole de l'ex-RDA. Demain, Lille 3000 célèbre Berlin à l'occasion d'un week-end «Midi-Midi». Et c'est par la vidéo de Reynold Reynolds que s'ouvre l'exposition sur la capitale allemande. Celle qui l'a conçue ? Paz Aburto Guevara, une Chilienne exilée à Berlin depuis longtemps. Quand elle a dû donner un nom à son travail, elle s'est souvenue des cours de littérature française qu'elle suivait à Santiago du Chili. « En 1857, Baudelaire écrivait "Paris change plus vite que le coeur d'un mortel !" dans Les Fleurs du mal... » En 2009, Paz expose donc « Berlin change plus vite que mon cœur » dans l'ancienne gare Saint-Sauveur.

« Berlin me fait penser au Paris de la fin du XIXe siècle, explique la commissaire. C'est un vaste laboratoire, un perpétuel mouvement. Au profit du changement, on a détruit beaucoup de bâtiments historiques. » Comme le palais de la République, inoccupé depuis vingt ans. C'est en « souvenir de tous les couples qui s'y sont mariés » que Paz s'est battue. Peine perdue. Le monstre de béton a été réduit en miettes. A côté, une Halle de la photo, bleu fluo, est sortie de terre.


Le Mur est tombé, certes. Et c'est l'Ouest qui est passé par-dessus. Illustration derrière la synagogue. Dans l'ex-Berlin-Est. Le Tacheles est un ancien magasin de six étages. Des tags partout, des artistes dans tous les coins, c'est devenu le coeur de l'underground berlinois. Mais au sommet, c'est une affiche de Bienvenue chez les Ch'tis en allemand et des étudiants sur leur trente-et-un qui accueillent les touristes. «On vient ici pour picoler et se détendre, avoue Simon, un lycéen allemand de 17 ans. Simplement parce qu'on n'a pas l'âge de rentrer dans les clubs. » L'underground berlinois aussi change plus vite que son cœur.

Même les restes du Mur n'échappent pas à la règle. À Checkpoint Charlie, on a transformé l'historique point de passage des valises diplomatiques en attraction façon Disneyland. Le seul tronçon authentique du Mur, l'East Side Gallery, finit, de son côté, de s'écrouler entre la Spree et un boulevard blafard. A peine éclairé par les spots du stade ultramoderne qui lui fait face. Loin des « clichés » qu'elle abhorre, c'est ce Berlin-là que Paz raconte dans cette exposition. Une ville qui n'a pas fini de se digérer, un playground géant pour aventuriers et promoteurs immobiliers. Mais une vraie usine à fantasmes, que Tim Roeloffs, artiste installé depuis 1992, résume d'une phrase : « Quand mes potes s'exclament : "Tu es à Berlin ! C'est LA ville où il faut être", je me dis qu'il est temps de partir...»
Antoine Maes et Vincent Vantighem, Envoyés spéciaux à Berlin