Une femme de Sierra Leone qui tient son enfant. Photo: La Presse Canadienne /AP/Nazia Parvez
Dans l'entretien qu'elle a accordé au Monde, Madame Bachelet indique que ses priorités seront de combattre les violences domestiques et sexuelles, ainsi que de lutter contre les conséquences de la crise qui frappe sévèrement les femmes.
Ce faisant, elle manifeste sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) notamment ceux concernant la réduction de la mortalité infantile et la baisse de la mortalité maternelle qui viennent de bénéficier d'un programme de 40 milliards de dollars (29,9 milliards d'euros). A 59 ans, Michelle Bachelet, qui a mûrement réfléchi cet engagement sur la scène internationale, entend utiliser toute la notoriété que lui vaut sa position d'ancien chef d'Etat et de nouvelle secrétaire générale adjointe de l'ONU, qui la place haut dans la hiérarchie des Nations unies.
Quelles vont être vos priorités dans les prochains mois?
Dans les trois mois à venir, nous allons travailler à rassembler et mettre en synergie les quatre entités (Le fonds de développement des Nations unies pour les femmes, l'Unifem, étant le plus important, NDLR) qui composent l'ONU femmes. Avec deux priorités en tête. La première sera de lutter contre les violences faites aux femmes, un champ qui n'est pas couvert par les OMD. Ce problème traverse toutes les sociétés sans exception : 70 % des femmes dans le monde subissent des violences domestiques. Nous allons oeuvrer en particulier à réduire l'immense fossé qui existe entre les législations qui protègent les femmes - il en existe beaucoup - et leur application qui reste très faible. Je souhaite également que l'ONU femmes s'implique dans la lutte contre les mutilations génitales : trois millions de femmes en sont victimes sur le continent africain chaque année. Cette guerre à la violence faite aux femmes inclut bien sûr aussi le combat contre les trafics de femmes, contre le viol, qui sévit à grande échelle dans les pays en conflit, comme la République Démocratique du Congo par exemple.
Notre deuxième priorité sera d'agir sur les conséquences de la crise. Actuellement, le partage de l'emploi est très inégalitaire entre hommes et femmes sur la planète. Hors agriculture, l'accès des femmes à l'emploi est limité : seulement 31 % des femmes travaillent dans un autre secteur. C'est un pourcentage qui recouvre de surcroît de très grandes disparités régionales (20 % seulement en Asie du Sud et en Afrique). Sans compter qu'il s'agit souvent d'emplois à bas salaires et à temps partiel. La crise a aggravé le problème.
Selon l'Organisation internationale du travail, le chômage des femmes a augmenté plus vite que celui des hommes. Plusieurs millions de femmes se retrouvent privées d'emploi avec des conséquences en cascade. Quand les femmes perdent leur emploi, on voit augmenter le nombre d'abandons scolaires par exemple. De manière générale, qu'il s'agisse de la crise financière, de la crise alimentaire, de celle de l'énergie ou du changement climatique, toutes les crises affectent durement les femmes.
Votre budget de 500 millions dollars est-il suffisant?
C'est un budget de départ et il faut le considérer comme tel. C'est un minimum et nous avons besoin de bien plus mais nous allons demander aux Etats membres d'augmenter leur participation, de faire un investissement "dans" les femmes.
Les ONG souhaitent que l'agence dispose de ses propres forces sur le terrain. Qu'en pensez-vous?
D'ores et déjà, l'Unifem est présente dans 80 pays. Ce n'est pas suffisant et je souhaite élargir cette présence. Dans ce sens, je suis d'accord avec les ONG. Mais je souhaite que l'argent aille aux communautés de femmes qui agissent sur le terrain.
Vous avez semblé hésiter à prendre la tête de l'ONU Femmes...
Ce n'est pas une question d'hésitation mais il fallait que je fasse un choix. Ce n'est pas facile quand vous bénéficiez de plus de 70 % d'opinions favorables dans votre pays ! Les gens craignaient que je les abandonne et je ne veux pas les abandonner. Je serai à New York, ce n'est pas si loin. Et je vais travailler à la cause des femmes, une cause qui concerne aussi les femmes du Chili. C'est un job merveilleux et passionnant.
Propos recueillis par Brigitte Perucca