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mardi 29 août 2017

GUERRE DE LA PUB AU CHILI. LES QUOTIDIENS CONSERVATEURS VEULENT CONSERVER LEUR MARCHÉ.

«Lutter ou mourir.» Le titre d'un article publié dimanche 28 novembre dans El Mercurio pourrait faire passer le quotidien le plus conservateur du Chili pour une publication d'extrême gauche. Ce journal s'est en effet soudainement pris d'affection pour la lutte menée par un petit syndicat chilien, celui des vendeurs de journaux. Et il multiplie depuis plusieurs semaines les reportages consacrés à sa «bataille contre Metro». L'annonce de la distribution d'un quotidien gratuit dans le transport souterrain chilien suscite une vive polémique au Chili. Après le continent européen (lire ci-contre), le groupe suédois MTG se lance à la conquête de l'Amérique. Et c'est au Chili qu'il a choisi de lancer sa première édition en espagnol, la date de sortie étant le 15 décembre.
Mais la justice chilienne contrarie l'entreprise de MTG. Le 9 novembre [1999], la cour d'appel de Santiago a décidé de suspendre le projet, plusieurs organisations professionnelles s'opposant à la sortie de Metro. Parmi elles, le syndicat des vendeurs de journaux et l'Association nationale de la presse (ANP), qui regroupe les propriétaires de journaux. L'ANP dénonce le contrat signé entre la société Metro SA (la RATP locale) et MTG, estimant que la loi ne permet pas à une entreprise publique de publier ou de distribuer des journaux. Un différend que la justice devrait trancher prochainement.

La réaction de l'ANP s'explique par l'inquiétude provoquée au sein des médias chiliens par l'arrivée de cette publication gratuite. Deux grands groupes dominent la presse du pays: la Copesa et El Mercurio. Six des huit quotidiens généralistes de Santiago leur appartiennent. Et ils se partagent plus de 80% du lectorat chilien, ainsi qu'une très grosse partie du marché publicitaire. Or beaucoup d'annonceurs pourraient bien être séduits par la formule de Metro. «Le problème de fond du marché chilien de la presse est la transparence, explique Rodrigo de Castro, directeur de la rédaction chilienne de Metro. Nous allons proposer des chiffres de vente précis, certifiés par un cabinet d'audit. Et cela inquiète nos concurrents.» Les plus grands quotidiens protègent ces données et il est très difficile de connaître leur distribution exacte. «L'absence d'un organisme de vérification est effectivement un très sérieux problème au Chili», reconnaît Eduardo Arriagada, directeur du Centre d'études de la presse de l'université catholique. Et il n'a jamais été possible jusqu'à aujourd'hui d'obliger les journaux à faire preuve de transparence.» Presse conservatrice. L'arrivée de Metro pourrait changer les choses. Près de 100 000 exemplaires devraient être distribués quotidiennement au moment de son lancement. Un chiffre qui devrait rapidement atteindre 250 000 exemplaires, près d'un million de personnes prenant chaque jour le métro à Santiago. Or, au Chili, le tirage le plus important est celui du quotidien la Tercera, estimé à seulement 120 000 exemplaires en moyenne.

Mais Metro ne compte pas que des détracteurs. Le Conseil national du collège des journalistes chiliens soutient le projet. «C'est une initiative très positive pour la liberté d'expression, explique son président Jorge Donoso. Cela va permettre à beaucoup de gens d'avoir accès à une information plus objective.» Jorge Donoso fait allusion à l'uniformité de la presse chilienne, très conservatrice dans son ensemble. Les grands quotidiens peuvent jusqu'à présent se contenter d'un lectorat limité, les annonceurs n'ayant pas réellement d'autre choix pour faire de la publicité. Mais l'apparition d'un concurrent sérieux viendrait modifier cette situation. Et les journaux payants seraient obligés de se remettre en question pour conquérir de nouveaux lecteurs.