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LE CINÉASTE PATRICIO GUZMAN (DE SON NOM COMPLET PATRICIO GUZMAN LOZANES) SUR LA TERRASSE DU PALAIS DES FESTIVALS À CANNES, LE 18 MAI 2019 PHOTO PAOLO VERZONE |
Grand chroniqueur de l’histoire contemporaine chilienne, Patricio Guzman livre le dernier volet d’une trilogie grandiose sur son pays meurtri par la dictature de Pinochet.Par Véronique Cauhapé
AFFICHE DU FILM « LA CORDILLÈRE DES SONGES » |
La Cordillère des songes est la fin d’un voyage singulier, à travers le cosmos et les entrailles de la terre (empreintes de l’histoire chilienne et du combat des hommes), que le réalisateur avait commencé d’entreprendre il y a près de dix ans. La première étape l’avait conduit dans le désert d’Atacama (Nostalgie de la lumière), la deuxième en Patagonie (Le Bouton de nacre). La troisième l’a mené aux sommets de la Cordillère des Andes. Paysage de ses ancêtres, métaphore du Chili quand, comme Patricio Guzman, on en est éloigné, « malle qui renferme les lois poétiques les plus importantes », silhouette grandiose de roches dont les fissures apparaissent comme des cicatrices. La Cordillère est l’écho, quand elle rugit, des tirs de répression durant la dictature, du sang versé, des corps disparus ; l’écho aussi, par ses vents parfumés, d’une douceur qui n’existe plus. Le cinéaste fait œuvre de géologue pour éclairer l’histoire passée et présente. La distance qui le sépare de son pays, est géographique et temporelle. Il revient vers ce qui est immuable, ce vers quoi on se tourne quand on croit avoir tout perdu.
Une résonance de l’histoire chilienne
Les vallées, les sommets, les gouffres, les lacs et les nuages, le cinéaste les confrontent aux habitants de ce pays, à la parole des sculpteurs Francisco Gazitua et Vicente Gajardo qui extraient la pierre pour l’immortaliser à leur manière ; de l’écrivain Jorge Baradit qui, à travers ses livres, interroge l’histoire récente du pays ; et du réalisateur Pablo Salas qui, depuis quarante ans, filme inlassablement le Chili. De nombreuses images, parmi les milliers qu’il a tournées durant les exactions du régime de Pinochet, alimentent ce documentaire. Elles témoignent de ce qui résonne encore au Chili, malgré le silence qui s’est abattu, ensuite, sur ces dix-huit ans de dictature.
Deux décennies qui ont isolé les Chiliens les uns des autres, les ont contraints à une économie néolibéraliste qui surenrichit ceux qui le sont déjà et qui écrase les pauvres. Le régime Pinochet a fait perdre deux fois son pays au cinéaste. En le poussant à partir et en l’empêchant, plus tard, par les traces qu’il y a laissées, de reconnaître son pays. Seule la Cordillère pouvait l’aider à se souvenir, faire rempart à la solitude et l’angoisse qui l’accompagnent depuis son départ, le 11 septembre 1973.
FILM « LA CORDILLÈRE DES SONGES » |
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