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mercredi 19 février 2020

CHILI, « DÉMOCRATIE DANS LE PAYS, À LA MAISON ET AU LIT ! »

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PHOTO JOSIE DESMARAIS 
L’annonce de la rédaction d’une nouvelle Constitution, suite aux protestations qui ont fait trembler le Chili depuis le 18 octobre 2019, déchire le pays en deux.
 ILLUSTRATION ANDRZEJ KRAUZE
Des manifestations ont été organisées le samedi 15 février 2020, à Santiago, l’une pour l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’autre pour le maintien de celle en vigueur. Plongeant le pays dans une crise sociale encore plus grave. Depuis décembre, une loi a été promulguée pour l’organisation d’un référendum le 26 avril 2020.

Les Chiliens devront décider s’ils veulent remplacer la Constitution, qui date de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) et choisir l’organe en charge de sa rédaction. Deux choix seront présentés lors du référendum, soit un « Congrès mixte », composé à parts égales de citoyens élus à cette fin et de parlementaires en exercice, soit une Assemblée constituante intégralement composée de citoyens spécifiquement élus à cette fin.

Les manifestants réclament depuis le début de la crise, des réformes sociales et l’adoption d’une nouvelle Constitution, qui n'a jamais été mise en place après le référendum du 11 septembre 1980.

Les sources du mécontentement général

Depuis le 18 octobre dernier, les Chiliens protestent pour réclamer des changements et ont plongé le pays dans une intense crise sociale. L’inégalité est à la base de cette explosion de colère, où une classe supérieure très riche, constituée par une vingtaine de famille, fait face au reste de la population qui se contentait jusqu’à présent d’accéder à la consommation, à l’éducation et aux soins, par le biais d’un endettement élevé.

Le système de retraites, qui est un régime par capitalisation, hérité de la période de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) est également contesté. Les pensions des retraités sont pour la plupart inférieures au salaire minimum, tandis que les fonds de pension accumulent de gros bénéfices chaque année.

La corruption, dont les Chiliens pensaient être épargnés, a touché des institutions jugées au-dessus de tout soupçon, comme l’armée et la police. Depuis 2006, une affaire de détournement de 40 millions de dollars éclabousse la police, quant aux derniers commandants en chef de l’armée, ils ont été renvoyés devant la justice pour corruption. Des grandes entreprises sont également concernées, comme le papetier CMPC qui a dû verser une amende très importante après s'être entendu avec d’autres entreprises pour augmenter le prix du papier toilette.

Le Chili avait déjà connu des contestations en 2011 contre le système éducatif à deux vitesses, public-privé, faisant trembler le gouvernement de Sebastian Pinera. Le mouvement étudiant visait à décrédibiliser les actions du gouvernement au travers de compagnes. Depuis, une loi a été approuvée fin 2018 par le Parlement qui permet d’expulser des établissements scolaires, les élèves impliqués dans des troubles publics.

Mais c’est la hausse du prix du ticket du métro qui a été la goutte de trop, déclenchant la colère de la rue. Cette augmentation de 30 pesos du ticket, s’accompagne d’autres augmentations récentes des coûts des services de base. Les tarifs de l’électricité ont subi une hausse de 10,5%, les médicaments restent les plus chers de la région, alors que le système de santé, privatisé, ne couvre que 60% des frais médicaux.

Les femmes, au premier rang de la contestation


Le 8 mars dernier, les femmes organisent la plus importante mobilisation depuis la fin de la dictature. 800 000 manifestants dans plus de 60 villes, notamment des petits centres urbains de province. Ce mouvement fait suite au « mai féministe », créé par les étudiantes en 2018, pour dénoncer le harcèlement sexuel et en faveur d’une éducation non sexiste. Ce qui avait conduit à l’occupation de dizaines d’universités, obligeant les institutions à réagir et à reconnaître le malaise qui grimpait depuis longtemps.

Mais cette première grève féministe de l’histoire du Chili, dénonce la précarité des femmes où moins de la moitié d’entre elles ont accès à une activité rémunérée, 31% travaillent sans contrat ni protection sociale ou de santé. 70% des salariés gagnent moins de 730€ par mois et les femmes perçoivent un salaire inférieur de 30% à celui des hommes.

Elles subissent en plus les discriminations des assurances privées à cause des grossesses potentielles, considérées comme un « risque », même chose pour les retraites, qui sont controlées par des fonds de pension depuis les années 80. Pour les militantes, la violence contre le corps des femmes est donc consubstantielle à la violence du modèle capitaliste néolibéral.

Le 20 novembre 2019, un collectif féministe chilien organisait une performance en chant et en danse dans les rues de Valparaíso, à 120 kilomètres de la capitale chilienne. « Un violeur sur ton chemin », lancé lors de l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, a été repris mondialement. Elles déclarent : "Et ce n'était pas de ma faute, ni de l'endroit où je me trouvais, ni de comment j'étais habillée...le violeur, c'est toi!","Ce sont les flics, les juges, l'Etat, le Président. L'Etat oppresseur et un macho violeur ».

Les revendications des féministes au Chili prennent racines dès les années 50. Le mot d’ordre « Démocratie dans le pays, à la maison et au lit ! » des intellectuelles Julieta Kirkwood et Margarita Pisano, du puissant Mouvement pour l’émancipation des femmes chiliennes (Memch), actif de 1935 à 1953, est resté fameux au Chili.

Pour tous ceux qui ont pris la rue depuis le début des protestations comme pour ceux qui ont répondu à l’appel de la grève féministe, leur souhait est d’en finir avec l’héritage de l’époque autoritaire du Chili.

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