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jeudi 30 septembre 2010

Le sort des Mapuches au Chili

Depuis des années, ces derniers dénoncent des lois d’exceptions qui valident des détentions préventives à rallonge, le recours à des témoins «sans visages », anonymes, payés par la police pour dénoncer les militants les plus actifs, et qui condamnent à de lourdes peines des Mapuches accusés de banals incendies de véhicules. A la veille de trois procès les concernant, ils ont lancé le plus important mouvement collectif de grève de la faim que ce pays ait connu. Ils dénoncent aussi l’acharnement des autorités à qualifier de « terroristes » des pratiques communes au reste du continent — occupations de propriétés d’entreprises ou de grands propriétaires par des groupes ethniques paupérisés . Enfin ils demandent la récupération de leurs terres et leur autonomie administrative.
Pour réprimer leurs actions revendicatives, les pouvoirs publics appliquent depuis longtemps une loi antiterroriste, qui impose des peines bien plus lourdes que celles de la législation civile ordinaire. De plus, certains des accusés sont soumis à une double condamnation, par les tribunaux civils et par les tribunaux militaires. L'ironie de cette histoire c'est que la loi antiterroriste fut créée par la dictature de Pinochet. Et par la suite, cette loi a été maintenue et appliquée par les gouvernements élus démocratiquement, présidés par Ricardo Lagos et par Michelle Bachelet, non pas contre les coupables de crimes sous la dictature, mais contre les indigènes qui revendiquent la récupération de terres qu'ils considèrent leur appartenir.
Pour enrayer cette menace, l’oligarchie chilienne sort souvent casques, boucliers et matraques pour bâillonner les populations indigènes, au grand dam des défenseurs des droits humains. Ces protestations ont été relayées par l’Organisation des Nations unies . En 2007, le Comité des droits de l’homme, puis, en 2009, le rapporteur spécial sur la situation des droits et des libertés des autochtones ont dénoncé les politiques de discrimination raciale en vigueur. En réalité , le Chili renâcle à reconnaître sa composition multiculturelle et laisse peu d’espace d’expression à ses huit peuples autochtones. La convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), seul accord international relatif aux peuples indigènes, n’est entrée en vigueur qu’en septembre 2009. Mais l’impasse est encore solide sur le plan politique. Les Mapuches se heurtent au blocage des élites de Santiago qui verrouillent tous les chemins débouchant sur une autonomie des peuples indigènes . L’arrivée au pouvoir d’une droite sans complexe, alliée aux barons de « l’ère Pinochet », ne facilite pas la situation. L'actuel président de la république ne se préoccupe pas plus du sort du peuple Mapuche que ses prédécesseurs. En témoignent les suites du violent tremblement de terre de février 2010, dont l’épicentre se situe à la limite nord du pays mapuche. Alors que de nombreuses villes où habitent des mapuches ont été ravagées par les tsunamis postérieurs à la secousse tellurique, l’Observatoire citoyen, une organisation non gouvernementale, observe qu’elles figurent au nombre des grands oubliés de la reconstruction. Parallèlement, le gouvernement Piñera intensifie la répression. Les descentes musclées de bataillons de carabineros se multiplient dans les communautés.
Cependant, devant la détermination des grévistes et les protestations internationales, le gouvernement semble aujourd'hui un peu plus sensible à leur demande . Il appelle désormais à la « réouverture » d’un dialogue qui n’a jamais été engagé. Il promet une réforme imprécise des vestiges de la dictature. En attendant la conrétisation de ces belles paroles les grèvistes continuent leur résistance.