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mardi 17 mai 2016

DANS LE DÉSERT CHILIEN D’ATACAMA, ON CHERCHE L’OMBRE DE SAGITTARIUS A*

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TÔT LE MATIN À PARANAL PHOTO  ESO / HH HEYER


À plus de 300 kilomètres du mont Paranal à vol d’oiseau, toujours dans le désert d’Atacama mais dans les contreforts des Andes, un autre observatoire s’apprête, lui aussi, à entrer dans la chasse à Sagittarius A* (Sgr A*), présumé trou noir supermassif de notre galaxie : Atacama Large Millimeter Array (ALMA), situé à 5 000 mètres d’altitude sur le plateau chilien de Chajnantor. 
MATIÈRE ENTOURANT
LE TROU NOIR SUPERMASSIF
SAGITTARIUS A*
PHOTO ESO/L. CALÇADA  
Avec un objectif au moins aussi démesuré que celui de Gravity, aller photographier directement la surface du trou noir, cet « horizon des événements » a priori inaccessible parce que les forces de gravitation y sont telles que tout objet qui le traverse est déchiqueté.







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MOUVEMENT DE L'« ÉTOILE S2 » AUTOUR DU 
TROU NOIR CENTRAL « SGR A* » DANS LA VOIE LACTÉE
CRÉDIT ESO

Quoique déjà très puissant avec ses 66 radiotélescopes qui travaillent à des longueurs d’onde situées après l’infrarouge au début des ondes radio (de 0,3 à 3,6 millimètres), ALMA serait bien incapable de réaliser seul cet exploit. Pourquoi ? C’est que Sgr A* est non seulement très loin (26 000 années-lumière) mais aussi très petit et entouré d’un disque de gaz très chauds qui le dissimule. Cette matière gazeuse, attirée vers l’horizon des événements par la gravitation du trou noir, rayonne intensément avant de disparaître. En conséquence, l’horizon des événements, s’il existe, devrait projeter une ombre sur cette émission lumineuse, mais une ombre très petite : compte tenu de l’énorme distance qui nous sépare de cette région de la Voie lactée, cette ombre devrait avoir la taille d’une pomme sur la Lune, vue depuis la Terre. Et c’est cette ombre de l’horizon des événements que l’on veut photographier pour valider l’existence du trou noir.




Réseau mondial

Pour cela, il faut utiliser les longueurs d’onde radio les plus courtes possibles (1 millimètre ou moins) afin de pénétrer la brume – ce qu’ALMA sait faire – et des antennes immenses pour atteindre une résolution extrême de 55 microse­condes d’angle : si on voulait obtenir cette précision avec un seul radiotélescope, il faudrait que son antenne mesure la ­bagatelle de 5 000 kilomètres. Avec ALMA, lorsque ses 66 radiotélescopes (7 à 12 mètres de diamètre) travaillent en ­interférométrie, c’est-à-dire en synchronisant leurs signaux, on atteint 16 kilomètres. C’est déjà exceptionnel mais ­totalement insuffisant pour « shooter » l’ombre de Sgr A*. Or ALMA va être intégré, à partir de sa nouvelle session ­d’observation, qui démarre en octobre, à un réseau mondial déjà existant d’au moins sept sites de radiotélescopes, l’Event Horizon Telescope (EHT).

PIERRE COX, LE DIRECTEUR D’ALMA
Celui-ci fonctionne en mode very long baseline interferometry (VLBI), ou interférométrie à très longue base. Autrement dit, il fait travailler de concert ­différents sites de radiotélescopes situés aux quatre coins du globe en les synchronisant comme s’il s’agissait d’un seul immense radiotélescope planétaire. Grâce à ce dispositif exceptionnel, les premières observations de Sgr A* devraient avoir lieu en mars 2017. « C’est la période de l’année où le climat est le plus propice pour tous les observatoires participant au réseau. Mais plusieurs campagnes seront sans doute nécessaires pour photographier l’ombre de Sgr A*, le projet est d’une telle envergure… », conclut Pierre Cox, le directeur d’ALMA.