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jeudi 28 mars 2019

CONFESSION D’UN TORTIONNAIRE


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ANDRES ANTONIO VALENZUELA MORALES
Andrés Valenzuela Morales, agent du service de renseignement de l’armée de l’air du Chili, a publié, dans El Diario de Caracas, en décembre 1984, une longue confession sur ses activités de tortionnaire et sur sa participation à maints enlèvements de militants de gauche, « disparus » depuis. Dans l’extrait ci-dessous, il rappelle la responsabilité de M. Roberto Fuentes Morrison et ses relations avec le groupe pro-nazi Patria y Libertad.
Le Monde diplomatique, Août 1986, page 6 

(...)

"Avez-vous torturé ?

• Oui.

— En quoi consistaient les tortures ?

— Des chocs électriques, des coups...

— Avez-vous du ressentiment contre l’armée de l’air ?

• Contre elle, bien sûr que non. Contre ceux qui m’ont changé, oui. Contre les chefs qui m’ont fait faire ce que j’ai fait. Contre l’armée de l’air, non, ni non plus contre les forces armées.

• Qui étaient ces chefs ?

— Roberto Fuentes Morrison.

• Quand l’avez-vous connu ?

— En 1974, à l’Académie de guerre. Il ne faisait pas partie de l’armée de l’air. Je crois qu’en 1975 il a été nommé sous-lieutenant de réserve. Il a toujours laissé entendre qu’avant il était infiltré dans Patria y Libertad. En 1980 il a été blessé par balle, ils lui ont mis deux rafales et il est passé commandant. A l’heure actuelle il est commandant d’escadrille, de réserve bien entendu, Il aime beaucoup « astiquer l’uniforme »

• Quel genre d’homme est-ce, Roberto Fuentes?

• Il était de toutes les opérations. C’est lui qui allait avec les chefs des carabiniers, de la marine et de l’armée de terre qui travaillaient avec nous. C’est lui qui décidait qui il fallait tuer. C’est pourquoi je ne suis pas sûr que les grands chefs de l’armée de l’air sachent ce qui s’est vraiment passé.

— Etes-vous sûr qu’à l’heure actuelle Fuentes n’est plus à l’action dans l’armée de l’air ?

— Il ne fait plus rien, sauf quelquefois quand il travaille avec la CNI. Mais c’est lui qui propose ses services, il établit des contacts, il fait des faveurs personnelles. C’est comme ça que j’ai su qu’à la CNI il y avait plusieurs unités ou sections. Il y en a une qui s’appelle section bleue, qui s’occupe des partis politiques. La même chose pour chaque secteur à surveiller : les journalistes d’opposition, les syndicats. Il faut des années pour devenir spécialiste, Il y a un secteur MIR (1), un secteur Parti socialiste, un secteur parti radical. Il y a même des querelles entre eux parce que ceux qui ont le plus de travail, c’est ceux qui s’occupent du MIR.

— Fuentes avait-il beaucoup d’amis ?

— Il avait des amis de différents côtés. Par exemple, un de ceux qui ont été arrêtés pour la mort d’un ouvrier du POJH (2) à Pudahuel, et qui s’appelle Joaquin Justo Pina Glamesti, était un de ses amis de l’époque de Patria y Libertad. Un jour, nous sommes allés ensemble à la mairie de Pudahuel pour faire un travail. Nous recherchions une personne. Nous avions son adresse mais nous n’arrivions pas à la localiser, et c’est pourquoi nous sommes allés à la mairie. A la sortie, Fuentes a fait monter un fonctionnaire de la mairie dans la voiture en disant qu’ils devaient aller voir Pina. Fuentes a déclaré : « Moi, je n’abandonne pas mes gens, c’est pour ça que je vais les voir en prison. » Et il a cité les noms de ceux qui avaient été arrêtés avec Pina. Celui qui voyageait avec nous dans l’auto lui a répondu en lui disant qu’il se rappelait avoir travaillé ensemble pendant des années : « Avec toi, nous avons beaucoup appris. » Je me suis rendu compte qu’ils avaient travaillé ensemble et appartenu aussi à Patria y Libertad. Ils ont continué à bavarder, en rappelant en particulier que Fuentes avait été l’auteur du sabotage à l’explosif d’un oléoduc à l’époque d’Allende."
Andrés Valenzuela Morales
Notes:
(1) Mouvement de la gauche révolutionnaire.
(2) Programme d’occupation des chefs de famille, destiné aux chômeurs.