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PONT DES AMES INCARNE UNE VIEILLE CROYANCE DES INDIENS MAPUCHE. PHOTO LAURENT FABRE |
L'île a deux visages: sauvage côté océan, bucolique et pastorale face au continent. Là prairies, fermes et hameaux dégringolent vers une côte constellée d''îles.
L'île a gardé une identité forte, née de son isolement et du métissage entre les indigènes et les Espagnols. Cette culture unique se lit dans son architecture et ses mythes. Evangélisés par les Jésuites, puis par les Franciscains, les indigènes ont construit, selon leurs techniques issues de la construction navale, de remarquables églises en bois. Seize d'entre elles sont aujourd'hui inscrites au patrimoine de l'humanité. Que ce soit l'église de Castro, la capitale, aux flèches néogothiques peintes en jaune soleil, rose et aubergine, ou dans la ravissante église bleue et blanche du village de pêcheurs de Tenaún, l'intérieur évoque la cale d'un navire retourné. Au-delà du catholicisme, la colonisation a conduit à un véritable syncrétisme entre mythologie indienne et sorcellerie européenne. Gnomes, sorciers, bateaux fantôme et sirènes: toute une cosmogonie explique la naissance et la vie des îles, les tentations et les interdits. Ainsi se presse-t-on de faire baptiser les fils aînés si l'on ne veut pas qu'ils soient transformés en Invunche, monstrueux garde de la grotte des Sorciers.
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De fait, il suffit de marcher dans la forêt luxuriante pour que l'imagination s'enflamme. L'une des plus belles balades de l'île, à faire accompagné d'un guide, mène à la pointe Pirulil qui s'avance dans l'océan Pacifique. Selon la légende, c'est au bout de cette pointe que les âmes des morts attendent le navire qui les mènera vers l'au-delà. Après avoir longé les rouleaux d'écume et marché dans la forêt primaire entre bambous échevelés et canelos, les arbres sacrés des Mapuches, on débouche soudain sur les prairies sacrées qui surplombent les flots. L'on avance subjugué par la puissance et la poésie du paysage où les rugissements des lions de mer se mêlent aux cris de l'océan. Là, au creux de ce paysage grandiose, le pont des Ames, tout en bois incarne la légende. Une véritable invitation à méditer face à l'immensité de l'océan.
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Dans un Chili en pleine croissance, l'île se développe: ouverture d'un aéroport, amélioration des infrastructures et surtout prise de conscience des charmes de l'île. Au bord de l'eau, les quartiers traditionnels des palafitos inspirent. Il y a de quoi: ces petites maisons en bois montées sur pilotis ressemblent, à marée haute, à des bateaux prêts à larguer les amarres. Dans le fjord de Castro, le quartier de Gamboa a ainsi le vent en poupe depuis deux ans. Y éclosent cafés, restaurants, boutiques d'artisanat et hôtels gentiment bohèmes et trendy, comme le ravissant hôtel Palafito 1326.
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Les palafitos de Gamboa, quartier qui monte à Castro, ressemblent à des bâteaux prêts à larguer les amarres.
Sur la péninsule préservée de Rilán, trois hébergements de haute qualité ont vu le jour récemment. Dans un environnement pastoral, les bâtiments modernes du Centro de Ocio mettent à l'honneur le talent des charpentiers de l'île avec leurs volumes audacieux. De sorte que l'hôtel, qui domine le long fjord de Castro, est entièrement tourné vers la vue, la nature et la culture de l'île. Le Refugia, quant à lui, joue dans la cour des grands du tourisme d'aventure. A l'origine du projet, un jeune ingénieur civil, Andres Bravari. Après avoir travaillé sur les plus gros chantiers du Chili, des mines de l'Atacama aux routes de Patagonie, il s'est installé voilà dix ans à Chiloé. La puissance des éléments, l'identité du lieu, la simplicité d'un mode de vie toujours rural l'ont convaincu que Chiloé deviendrait la prochaine destination à la mode du Chili. D'où l'idée du Refugia, refuge ultra-contemporain de 12 chambres ouvert il y a tout juste un an.
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Un petit bijou en bois est amarré au ponton de l'hôtel: avec son salon vitré, le Williche est une invitation à naviguer dans l'archipel de Chiloé aux 36 îlots habités. Alors que les dauphins dansent à la proue du navire, l'on rejoint la minuscule Machuque: une poignée de palafitos, des fermes et deux musées qui la font ressembler à la grande Chiloé en miniature. C'est ici qu'Isabel Allende a situé son dernier roman, Le Carnet de Maya. Sur cette île où le temps s'est arrêté, une jeune Américaine à la dérive reprend goût à la vie…
L'église Saint-François de Castro entièrement bâtie en bois local.
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Chiloé est une terre d'écrivains. Parmi eux un géant, né dans le petit village de Quemchi au nord de l'île: Francisco Coloane, auteur d'aventures lyriques et épurées du Grand Sud austral. Après avoir parcouru le monde, l'écrivain explorateur David Lefèvre s'est posé à Chiloé pour une aventure intérieure. Au fond de sa cabane sont nées les Solitudes australes, une ode à la nature chilote et à la frugalité. Il confie qu'ici il a trouvé la force de la Bretagne d'il y a deux générations, avec des hommes qui vivent entre leur lopin de terre et la mer.
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Alors oui, avec ses pêcheurs en ciré, ses coquillages que l'on ramasse à marée basse, sa pluie omniprésente entrecoupée d'arc-en-ciel et de ciels purs, ses chalutiers couchés sur le sable, ses histoires de sorciers et même son beurre salé, Chiloé évoque, avec une pointe de nostalgie et beaucoup d'exotisme, la Bretagne…