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lundi 4 novembre 2013

CARLOS BERGER GURALNIK, VICTIME EMBLEMATIQUE DE LA CARAVANE DE LA MORT

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CARMEN HERTZ ET CARLOS BERGER GURALNICK EN 1973
C’était une des opérations locales d’extermination à la charge de la « caravane de la mort », unité spéciale héliportée sous le commandement du général Sergio Arellano Stark. Composée d’une douzaine d’officiers et sous-officiers spécialement choisis, elle a décollé de l'aérodrome de Tobalaba le 30 septembre 1973 et a parcouru le Chili du sud au nord pendant le mois d’octobre.

Ils ont fait étape dans 16 villes du pays, et ils ont épluché les listes de prisonniers politiques détenus après le putsch dans des prisons et casernes de chaque ville. Une rapide sélection effectuée par le général Sergio Arellano Stark et ses assistants lors d’une grossière pantomime de tribunal militaire, déterminait ceux qui devaient être exécutés sans délai. Près d’une centaine de victimes a été recensée au passage de la « caravane de la mort ».


Tout au long de leur sinistre trajet, l’équipe d’officiers triés sur le volet et des adjoints des garnisons locales ont exécuté ces prisonniers avec une cruauté démesurée : ils leur ont brisé les os à coups de crosses et à coups de pieds, ils les ont souvent frappés avec des longs couteaux corvos, et ont à plusieurs reprises mutilé leurs victimes avant de les fusiller.
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L'ANCIEN GÉNÉRAL JOAQUÍN LAGOS OSORIO,
COMMANDANT DE LA 1ÈRE DIVISION D'ARMÉE DU NORD
« J’avais honte de les voir. Ils étaient en morceaux. Au point que je voulais les reconstituer, leur donner au moins une forme humaine. Oui, ils leur arrachaient les yeux au couteau, leur cassaient les mâchoires, leur cassaient les jambes... À la fin ils leur donnaient le coup de grâce. [...] On les tuait de façon à ce qu'ils meurent lentement. C’est à dire, parfois ils les fusillaient par parties. D'abord, les jambes, ensuite, les organes sexuels, ensuite, le cœur. Les mitrailleuses faisaient feu en cet ordre ».  
Ex-général Joaquín Lagos Osorio, Commandant de la 1ère Division d'armée du Nord et chef de la zone militaire sous état de siège d’Antofagasta, en interview au journal « El Pais », Madrid, 21 janvier 2001.
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AFFICHE DE LA  UNE MINI-SÉRIE TÉLÉVISÉE CHILIENNE « ECOS DEL DESIERTO »  (DES  ÉCHOS DU DÉSERT)  

Vingt huit ans après, quand on a demandé à l'ex-général Joaquín Lagos Osorio —Commandant de la 1ère Division d'armée du Nord et chef de la zone militaire sous état de siège d’Antofagasta—, pourquoi les corps des exécutés n'avaient jamais été remis aux familles, Lagos a expliqué qu'il avait honte qu'on découvre les méthodes barbares des officiers de la caravane pour assassiner les prisonniers.

La version officielle des autorités militaires pour justifier ces exécutions sommaires a été —comme dans d’autres innombrables cas d’assassinats de détenus politiques—, que les victimes avaient essayé de s’enfuir lors du transfert. Les morts ont été enterrés ensuite par dizaines dans des tombes anonymes.
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CARLOS BERGER GURALNICK
ET SON FILS GERMAN EN 1973
La dépouille de Carlos Berger Guralnik a été enfouie avec celles d’autres 25 victimes dans une zone désertique de la région de Calama, près de la route à San Pedro de Atacama. La dictature a tenté des années plus tard d’effacer complètement les traces des massacres tout au long du pays, et plusieurs charniers clandestins ont été détruits à l’explosif, vidés avec des pelles mécaniques et les restes lancés à la mer.

Après des années de fouilles, seuls quelques fragments d’os ont été retrouvés en 1993 dans le désert, ceux de Carlos Berger Guralnik identifiés formellement en 2003.

Carlos Berger Guralnik a laissé à sa mort un très jeune enfant de 11 mois. Le père de Carlos Berger s'est suicidé en 1984, atteint d’une grave dépression, et quatre ans plus tard, en juin 1988, s'est suicidée sa mère, Dora Guralnik.


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CARMEN HERTZ 

Sa veuve, Carmen Hertz, jeune avocate en octobre 1973, n’a eu de cesse de retrouver les traces de son mari assassiné, et de rétablir la vérité dans nombre de cas de violations aux droits de l’homme. Elle est devenue une des juristes du vicariat de la solidarité, l’organisme d’assistance juridique aux persécutés mis en place par l’église catholique aux débuts de la longue dictature de Pinochet. Me Hertz a occupé aussi par la suite des postes auprès d’organismes internationaux chargés des droits de l’homme, ainsi que des commissions des spécialistes de l’Onu.

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AFFICHE DU FILM «MA VIE AVEC CARLOS»
La fin tragique de Carlos Berger Guralnik —très apprécié de ses camarades et collègues par son enthousiasme, son dévouement et sa créativité—, a fait l’objet de films, notamment « Ma vie avec Carlos », réalisé par son fils Germán, et d‘une récente mini série qui a connu un grand retentissement au Chili, « Échos du désert ».


Une initiative citoyenne lancée sur les réseaux sociaux propose d’instituer le jour de sa mort, le 19 octobre, journée du « communicateur social », en hommage à Carlos Berger et à travers lui, aux nombreux journalistes tués para la dictature chilienne.