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CETTE IMAGE EST CELLE DU FOND DIFFUS COSMOLOGIQUE. LES VARIATIONS DE TEMPÉRATURES, QUI CORRESPONDENT AUX VARIATIONS DE COULEURS, SONT LIÉES AUX ONDES GRAVITATIONNELLES PRIMORDIALES. PHOTO HARVARD-SMITHSONIAN CENTER FOR ASTROPHYSICS |
FOND DIFFUS COSMOLOGIQUE
Le télescope Bicep2 n’a pas directement observé ces ondes gravitationnelles primordiales mais il en a constaté l’effet sur un rayonnement qui a fait la « une » des médias il y a tout juste un an : le rayonnement du fond diffus cosmologique. Autrement dit la plus vieille photo qu’il puisse y avoir de l’Univers. En mars 2013, c’est le satellite Planck de l’Agence spatiale européenne qui l’a prise, révélant tous les détails de ce moment où l’Univers est devenu transparent : les photons ou grains de lumière parvenant à se libérer des autres particules.
C’était 380 000 ans après le Big Bang. Tous ces photons, collectés par Planck, ont constitué un cliché parsemé de petites taches de couleurs différentes comme autant de points plus ou moins chauds. Cette palette est comme un portrait d’un bébé-univers dont chaque couperose indiquerait l’endroit où apparaîtraient des millions d’années plus tard les merveilles que nous connaissons aujourd’hui : étoiles, galaxies ou planètes.
Mais ces messagers de lumière ayant parcouru un si long chemin n’avaient pas tout dit. Et c’est Bicep2 qui a recueilli leur précieux témoignage. La lumière ne se contente pas de voyager en ligne droite, elle peut aussi, vue de face, « osciller ». On dit qu’elle est polarisée. Or, des théories prédisent qu’au moment du Big Bang, la présence d’ondes gravitationnelles originelles polariserait certains photons d’une manière particulière, analogue à un « tourbillon ».
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L'UNIVERS EST NÉ IL YA PRÈS DE 14 MILLIARDS D'ANNÉES, L'EXPLOSION À L'EXISTENCE À UN ÉVÉNEMENT APPELÉ LE BIG BANG. MAINTENANT, LES CHERCHEURS DISENT QU'ILS ONT REPÉRÉ LA PREUVE QU'UNE FRACTION DE SECONDE PLUS TARD, L'EXPANSION DE L'UNIVERS A COMMENCÉ PAR UN SURSAUT PUISSANT. PHOTO HARVARD-SMITHSONIAN CENTER FOR ASTROPHYSICS |
Cette image est celle du fond diffus cosmologique. Les variations de températures, qui correspondent aux variations de couleurs, sont liées aux ondes gravitationnelles primordiales.
C’est ce qui a été vu pour la première fois par Bicep2. « Ce qui est beau, c’est moins les ondes gravitationnelles elles-mêmes que leur origine quantique », estime Thibault Damour, professeur à l’Institut des hautes études scientifiques (Bures-sur-Yvette, Essonne). En effet, elles sont différentes des ondes gravitationnelles « classiques » créées par des couples d’étoiles en rotation l’une autour de l’autre ou par une étoile autour d’un trou noir. Ces ondes-ci sont liées à la relativité générale d’Albert Einstein qui décrit les déformations de l’espace-temps. Accessoirement, elles n’ont toujours pas été détectées directement mais des expériences comme Virgo en Italie ou Ligo aux Etats-Unis s’y attellent. Celles révélées le 17 mars sont au contraire créées par des fluctuations du vide quantique régnant aux premiers instants de l’Univers.
Finalement, les galaxies sont apparues de rien mais ce rien a laissé en quelque sorte des traces 13,8 milliards d’années plus tard. Vertigineux. Bicep2 fait même d’une pierre deux coups car elle conforte les tenants de théories qui imaginent une formidable expansion de l’Univers juste après le Big Bang, appelée inflation. « C'est une preuve cosmologique totalement nouvelle et indépendante de la vision inflationniste », se réjouit dans Nature le physicien théoriste Alan Guth (MIT) qui avait proposé cette idée d'inflation en 1980. Pour lui, les travaux de Bicep2 valent « définitivement » un prix Nobel.
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LE TÉLÉSCOPE BICEP2, À L'ORIGINE DES OBSERVATIONS DES PREMIERS INSTANTS DE L'UNIVERS. PHOTO HARVARD-SMITHSONIAN CENTER FOR ASTROPHYSICS |
NOUVELLE ÈRE DE LA COSMOLOGIE
« On compte au moins 200 théories d’inflation. Or, nous n’avions jusqu’à présent que peu de données expérimentales pour les trier », explique Karim Benabed, astronome de l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), qui travaille sur Planck. « Ces résultats vont faire tomber certaines de ces théories », prédit François Bouchet, également à l’IAP et sur la mission Planck.
« La longue recherche de ces modes de polarisation est apparemment terminée. Une nouvelle ère de la cosmologie commence », écrivent en conclusion de leurs articles les chercheurs de Bicep2. « Nous sommes tous excités par ce résultat. Si c’est confirmé, c’est une découverte majeure », estime Karim Benabed. Une période de vérifications va maintenant s’ouvrir pour étudier en détail la manière dont Bicep2 a analysé ses données. Une tâche délicate car le signal cosmique n’arrive pas tranquillement au pôle Sud. Ses photons ont dû d’abord traverser tout l’Univers, en particulier d’énormes structures comme les amas de galaxies, ce qui, par effet gravitationnel déforme la polarisation. Cet effet avait même été mesuré en septembre 2013 par un concurrent de Bicep2, South Pole Telescope, situé juste à côté sur la glace. Les modèles des Américains pour éliminer cette perturbation sont-ils corrects ?
PÉRIPHÉRIQUE DU BICEP2, À L'ORIGINE DES OBSERVATIONS DES PREMIERS INSTANTS DE L'UNIVERS. PHOTO HARVARD-SMITHSONIAN CENTER FOR ASTROPHYSICS |
De même, les poussières de notre galaxie émettent de la lumière dans la même fréquence que celle qui intéresse Bicep2 et avec une polarisation semblable. L’analyse sépare-t-elle bien les deux contributions ? En outre, d’autres résultats de Bicep2 semblent bien différents de ce qui semblait faire consensus en cosmologie jusque-là. De même, l’effet trouvé sur la polarisation est deux fois plus important que le plafond qu’avait fixé la collaboration européenne Planck dans ses premières analyses de mars 2013.
« Nous allons regarder la moindre virgule du texte ! Des questions précises vont être posées à Bicep2 », prévoit Karim Benabed. « Nous avons une première indication très importante qu’il y a quelque chose. Attendons un peu avant de savoir ce que c’est vraiment. Il est possible que la solidité statistique du résultat diminue », estime François Bouchet. La collaboration Planck doit justement publier d’ici quelques mois ses propres mesures de polarisation. Les photons messagers n’ont peut-être pas encore tout dit.