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samedi 2 février 2019

SIMÓN BOLÍVAR (1783-1830 )


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 PORTRAIT PASTEL DE SIMÓN BOLÍVAR À HAITÍ, 1816.
LE PORTRAIT APPARTENAIT À LA FAMILLE HAÏTO-CUBAINE
LA BARRÈRE / LABARRERA DE GUANTÁNAMO.
C'EST MAINTENANT À LA FUNDACIÓN JOHN BOULTON, CARACAS. 
AUTEUR  INCONNU

La vie de Simón Bolívar se confond, pour l'essentiel, avec le combat qu'il a mené pour l'émancipation des colonies américaines de l'Espagne. Le chef révolutionnaire sud-américain Simon Bolivar (1783-1830). Lors des combats pour la libération du Venezuela, en 1813, il reçoit le titre de Libertador. 
    La séduction du personnage et l'éclat de son rôle historique expliquent la persistance, jusqu'à nos jours, d'un véritable mythe bolivarien en Amérique du Sud.
                                                             
1. La formation               
Simón Bolívar est né à Caracas, d'une riche famille créole qui, originaire de Biscaye, s'était établie en Amérique dès le milieu du XVIe siècle. Ses ancêtres avaient possédé des encomiendas, exercé des charges municipales et des emplois de la Couronne et réussi à se constituer de grands domaines fonciers. Cette aristocratie créole, souvent cultivée, sensible aux idées nouvelles venues de France, d'Angleterre et des États-Unis, supporte mal le despotisme, même éclairé, de l'administration espagnole et prétend jouer un rôle plus important dans la gestion des affaires.

En 1799, Simón Bolívar quitte le Venezuela pour l'Espagne, puis la France. De retour à Caracas en 1803, il repart aussitôt pour l'Europe. Il y mène la vie facile d'un riche fils de famille, mais s'intéresse de plus en plus à la politique. Le spectacle des bouleversements révolutionnaires, l'influence de Carreño Rodríguez, son compagnon de voyage et professeur de grammaire, disciple quelque peu extravagant de J.-J. Rousseau, le fortifient dans ses sentiments favorables à la démocratie. Il s'affilie à la franc-maçonnerie et assiste à Paris, en spectateur anonyme, au sacre de Napoléon Ier le 2 décembre 1804. Si la grandiose cérémonie n'influe pas réellement sur sa vocation politique, elle suscite en lui des rêves de gloire qui le conduisent, un an plus tard, à prêter le serment de libérer l'Amérique de la domination espagnole. C'est en août 1805, lors d'un séjour à Rome, qu'il s'exclame du sommet du mont Sacré : « Je jure sur mon honneur que je ne laisserai ni répit à mon bras, ni repos à mon âme, tant que je n'aurai pas brisé les chaînes qui nous oppriment par la volonté du pouvoir espagnol. »

2. Le « Libertador »                      

En 1807, le jeune Bolívar est de retour au Venezuela : la première tentative de Miranda contre le gouvernement colonial venait d'y échouer (1806). Tout en administrant ses propriétés, Bolívar participe aux conspirations que prépare l'aristocratie créole et auxquelles l'effondrement de la monarchie des Bourbons d'Espagne donne, après 1808, une nouvelle vigueur. Ce n'est qu'en 1810, toutefois, que Bolívar s'engage vraiment dans l'action politique. Absent de Caracas lors des événements du 19 avril 1810, il n'a pas directement participé au mouvement ; mais, rallié aussitôt à la « Junte suprême », qui détient le gouvernement de fait, il est envoyé à Londres pour y demander l'appui de l'Angleterre. Le gouvernement anglais ne pouvait guère, au plus fort de la lutte contre Napoléon, se déclarer ouvertement contre l'Espagne : du moins promit-il sa médiation entre la métropole et ses colonies et ne découragea-t-il pas les « patriotes ». Cette mission à Londres permet à Bolívar de rencontrer Miranda, qu'il décide à s'embarquer avec lui pour le Venezuela.

Avec l'arrivée de Miranda à Caracas, les événements se précipitent. La Régence d'Espagne avait déclaré rebelles les patriotes vénézuéliens. Au sein de la Société patriotique, club politique révolutionnaire, Bolívar seconde les efforts de Miranda pour décider le Congrès réuni en 1811 à proclamer l'indépendance du Venezuela : c'est chose faite le 5 juillet 1811. Bolívar se trouve aussitôt engagé dans la guerre civile qui oppose à travers tout le pays patriotes et loyalistes. Il y sert sous les ordres de Miranda, mais ne tarde pas à entrer en désaccord avec lui. Les défaites de 1812 consomment la rupture entre les deux hommes : après la perte de la place de Puerto Cabello, où commandait Bolívar, Miranda capitule devant les forces espagnoles (juill. 1812). Ses propres subordonnés, furieux de ce qu'ils considéraient comme une trahison, le livrèrent à l'Espagne, où il mourut en captivité. Le rôle de Bolívar dans ce tragique épisode reste en partie obscur.

Lui-même parvient à se réfugier à Carthagène ; il y rédige le célèbre mémoire (15 déc. 1812), où il tire la leçon des échecs et trace un programme d'action. C'est dans la défense victorieuse de la Nouvelle-Grenade contre les Espagnols que s'affirment ses talents militaires. De là, il attaque de nouveau le Venezuela et reprend Caracas (6 août 1813), après une campagne foudroyante, marquée par d'inexpiables cruautés : aux rigueurs de la répression royaliste et aux excès des llaneros de Boves, Bolívar répond en décrétant la « guerre à mort » contre les Espagnols et leurs partisans (Trujillo, juin 1813).

Bolívar reçoit, en octobre, le titre de Libertador, mais ne parvient pas à consolider le contrôle des « patriotes » sur un pays profondément divisé. Après une année de furieuses batailles, il doit évacuer Caracas (juill. 1814) et quitter le Venezuela (oct. 1814).

Il prend part aux luttes intestines qui opposent les patriotes de Nouvelle-Grenade, puis doit se retirer à la Jamaïque (mai 1815). Ni la défaite ni l'exil ne l'ont découragé : tout en cherchant à obtenir le soutien anglais, il rédige une série de lettres, dont la plus connue (Lettre à un habitant de la Jamaïque, Kingston, 6 sept. 1815) résume ses idées politiques : union du Venezuela et de la Nouvelle-Grenade en une république de Colombie, régime démocratique autoritaire, alliance des nations américaines.

À défaut du concours des Anglais, il reçoit celui de Pétion, président de la République noire d'Haïti. En mai 1816, il débarque dans l'île de Margarita avec une poignée d'hommes. Nouvel échec, nouvel exil : le Venezuela et la Nouvelle-Grenade sont solidement tenus par l'armée espagnole de Morillo. Mais, à la fin de 1816, le succès des insurgés au Juncal permet à Bolívar de revenir au Venezuela.

3. Le président               

Instruit par l'expérience, Bolívar décide de se constituer, sur l'Orénoque, une base inexpugnable. C'est là qu'il donne la mesure de son génie politique et militaire. Il impose aux patriotes divisés son autorité dictatoriale, réduit par la force les généraux rebelles et fait de la ville d'Angostura le siège de son gouvernement, qui communique aisément avec le monde extérieur par la vallée de l'Orénoque.

À la fin de juin 1817, il reprend la guerre contre les royalistes et réussit, grâce à l'appui du chef guérillero Páez, à rallier à sa cause la cavalerie irrégulière des llaneros. Il entreprend alors une double action.

Soucieux de donner à son pouvoir un caractère constitutionnel, il réunit en congrès à Angostura les députés des provinces vénézuéliennes (15 févr. 1819) : occasion pour lui de réaffirmer les principes de son action politique, de se faire élire président et de renforcer sa position vis-à-vis de l'étranger.

Sur le plan militaire, il conçoit et exécute un plan audacieux : la traversée de la plaine vénézuélienne, pour déboucher sur les hauts plateaux de Nouvelle-Grenade ; il y bat les Espagnols à Boyacá (7 juill. 1819) et prend Bogotá. À Angostura, il fait proclamer la république de Grande-Colombie.

La révolution libérale en Espagne entraîne la conclusion d'un armistice de six mois ; à la reprise des hostilités, Bolívar remporte la victoire décisive de Carabobo (24 juin 1821), qui assure l'indépendance du Venezuela.

Cependant, tandis que le premier Congrès colombien, réuni au Rosario du Cucuta, le réélit à la présidence de la Grande-Colombie, Bolívar soumet les populations loyalistes du Sud et conquiert, secondé par Sucre, la province de Quito, qui s'incorpore à la République grand-colombienne (1822).

À l'entrevue de Guayaquil (juill. 1822), San Martín s'efface devant le Libertador, et lui laisse la gloire de parachever l'indépendance du Pérou, que scellent les victoires de Bolívar à Junín (7 août 1824) et de Sucre à Ayacucho (9 déc. 1824). Bolivar a réalisé les rêves de sa jeunesse.

Il sera moins heureux dans ses efforts pour organiser politiquement l'Amérique libérée. En 1825, Bolívar est président des trois républiques de Grande-Colombie, du Pérou et de Bolivie (nom adopté en son honneur par le Haut-Pérou). Mais l'autorité que lui vaut son prestige personnel, de l'Orénoque au Potosí, ne suffit pas à surmonter la dispersion géographique et l'hétérogénéité sociale des pays libérés. Il ne peut imposer sa conception politique d'une république césarienne (Constitution bolivienne de 1826), ni confédérer durablement les trois États qu'il préside. Son grand projet d'une alliance continentale des nations latino-américaines échoue dès le congrès de Panamá (1826). En 1827-1828, Bolívar doit renoncer à toute autorité sur le Pérou et la Bolivie. En même temps, son pouvoir est vivement contesté en Grande-Colombie : à la dictature conservatrice qu'il exerce, ses adversaires répondent par une tentative d'assassinat (1828). Il ne réussit même pas à empêcher la désintégration de la Grande-Colombie en trois républiques souveraines (Venezuela, Équateur, Colombie : 1829-1830).

Malade et prématurément vieilli, découragé et devenu profondément pessimiste sur le destin de l'Amérique, Bolívar résigne définitivement tout pouvoir en janvier 1830. C'est sur le chemin de l'exil volontaire qu'il meurt à Santa Marta, dans la demeure d'un ami espagnol, le 17 décembre 1830.
                 Jean-Pierre BERTHE    
V. A. BELAUNDE, Bolívar and the Political Thought of the Spanish American Revolution, Baltimore, 1938
S. BOLÍVAR, Pages choisies, Paris, 1966
S. DE MADARIAGA, Bolívar, Mexico, 1951
A. MIJARES, El Libertador, Caracas, 1964
C. PARRA PEREZ, Historia de la Primera República de Venezuela, Caracas, 1939
J. L. SALCEDO BASTARDO, Visión y Revisión de Bolívar, Caracas, 1957
G. SAURAT, Simón Bolívar, le libertador, nouv. éd., Grasset, 1990.               
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