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LE CHEF DE L’OPPOSITION JUAN GUAIDÓ, S’EST DÉCLARÉ PRÉSIDENT DU VENEZUELA, SALUE LA FOULE. PHOTO CHRISTIAN HERNANDEZ |
La Maison-Blanche a joué un rôle majeur dans la crise politique vénézuélienne, raconte le Wall Street Journal, allant jusqu’à téléphoner à Juan Guaidó pour l’assurer de son soutien avant qu’il ne se déclare président. Les États-Unis lancent ainsi une offensive plus large visant à faire tomber des régimes “antiaméricains” et à contrer l’influence de la Russie et de la Chine dans la région.
LE CONSEILLER À LA SÉCURITÉ NATIONALE, BOLTON, AVEC LE PRÉSIDENT TRUMP LORS D’UNE RÉUNION À LA MAISON-BLANCHE, EN AVRIL 2018. PHOTO KEVIN LAMARQUE |
Dans le viseur, il y a donc le Vénézuélien Nicolás Maduro, mais aussi Cuba, l’adversaire qui focalise l’attention américaine dans la région depuis plus de cinquante ans, ainsi que les récentes incursions sud-américaines de la Russie, de la Chine et de l’Iran.
Si Maduro et son prédécesseur Hugo Chávez s’attirent depuis longtemps les anathèmes de Washington, le gouvernement Trump est rempli de responsables convaincus que Cuba représente une menace plus grande pour la sécurité nationale. Pour preuve selon eux, les opérations menées par les services de renseignements cubains aux États-Unis, et leurs actions visant à répandre l’antiaméricanisme dans d’autres pays d’Amérique latine.
L’objectif, dans l’idée de la Maison-Blanche, est de rompre les liens qui unissent le Venezuela à Cuba et de renverser les deux régimes.
“Troïka de la tyrannie”
Ce regain d’agressivité reflète la volonté du
gouvernement de revenir sur le dégel partiel des relations américano-cubaines entrepris sous Obama, qui s’était traduit par l’allégement des sanctions et l’ouverture de l’île aux investissements étatsuniens.
La Maison-Blanche planche depuis deux ans sur cette nouvelle stratégie, favorisée notamment par la montée en puissance d’anticastristes à l’image de Mauricio Claver-Carone, un membre du Conseil de sécurité nationale qui a voué sa vie à la chute de Fidel Castro. Elle doit aussi beaucoup au lobbying de certains élus, comme le sénateur Marco Rubio et le député Mario Díaz-Balart, qui comptent dans leur circonscription de nombreux électeurs ayant des liens avec le Venezuela.
Prochaine cible après le Venezuela et Cuba, le Nicaragua. Le ministère des Affaires étrangères a multiplié les mises en garde face à la dérive autocratique du pouvoir, à l’augmentation de la répression et de la violence dans le pays. Les Nicaraguayens viennent aujourd’hui grossir les flots de migrants à la frontière américano-mexicaine.
“Les États-Unis ont hâte de voir s’effondrer les trois sommets du triangle, à La Havane, à Caracas, à Managua [capitale du Nicaragua]”, a même déclaré John Bolton, conseiller à la sécurité nationale, dans un discours qui, en novembre, dessinait sans ambiguïté les contours de la nouvelle stratégie. Qualifiant les trois pays de “troïka de la tyrannie”, une expression de son cru, il l’a assuré : “La troïka tombera.”
Ce jour-là [le 1er novembre], le gouvernement étatsunien annonçait de nouvelles sanctions contre Cuba et le Venezuela, notamment contre une grosse vingtaine d’entreprises détenues ou contrôlées par l’armée et le renseignement cubain, et contre le secteur de l’or vénézuélien.
Une stratégie à haut risque
La stratégie américaine est extrêmement risquée. Si Washington ne parvient pas, par son soutien à l’opposant Juan Guaidó, à provoquer le départ de Maduro ni à desserrer les liens entre Caracas et La Havane, les conditions de vie déjà alarmantes au Venezuela pourraient encore se dégrader, et les États-Unis se retrouver plus impliqués encore dans cette crise. On estime aujourd’hui que trois millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.
Un échec étatsunien dans la région serait par ailleurs une victoire diplomatique éclatante pour les deux pays, façon David contre Goliath, et une aubaine pour la Chine, la Russie et l’Iran.
John Bolton, nommé conseiller à la sécurité nationale l’année dernière, est depuis longtemps un partisan de la ligne dure face à Cuba et au Venezuela. Mais il bénéficie désormais du soutien de Mauricio Claver-Carone, qui a été chargé du continent américain au Conseil de sécurité nationale, et qui partage ses positions. Claver-Carone fut conseiller de la campagne présidentielle de Trump et s’est fait connaître dans les cercles diplomatiques grâce à son blog Capitol Hill Cubans.
Sur une page désormais archivée de ce blog, il est présenté comme cofondateur et directeur du US-Cuba Democracy PAC, qui récolte des fonds au profit de membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Ce “comité d’action politique” a levé et dépensé quelque 4,7 millions de dollars depuis sa création, en 2003, pour “œuvrer à une transition sans condition de Cuba vers la démocratie, l’État de droit et l’économie de marché”.
Mauricio Claver-Carone a également dirigé l’association à but non lucratif Cuba Democracy Advocates de 2004 à 2017, ainsi qu’un petit cabinet de lobbying baptisé Cuba Democracy Public Advocacy Corp. pendant une dizaine d’années, jusqu’en 2016. Il a rejoint l’équipe Trump durant l’été 2018.
Une action coordonnée avec d’autres acteurs régionaux
L’année dernière au Venezuela, le rapprochement de deux des principaux partis d’opposition, les anciens adversaires Primero Justicia et Voluntad Popular (auquel appartient Juan Guaidó), a pour la première fois laissé entrevoir une transition possible. Les responsables étatsuniens ont dès lors entretenu de très réguliers contacts avec cette opposition.
“Et cela a renforcé leur crédibilité auprès de la communauté internationale”, fait remarquer Francisco Monaldi, spécialiste du Venezuela et du secteur pétrolier à la Rice University (Texas).
En 2018, l’élection d’Iván Duque à la présidence de la Colombie et celle de Jair Bolsonaro au Brésil ont également changé la donne : ces deux voisins immédiats sont en première ligne de l’exode des Vénézuéliens. Pendant les fêtes de fin d’année, le secrétaire d’État, Mike Pompeo, a rendu visite à ses homologues brésilien et colombien et a évoqué un plan d’action avec le président de la Colombie.
L’appel de Mike Pence à Juan Guaidó
L’investiture de Maduro, le 10 janvier, a mis la machine en marche à l’Assemblée nationale du Venezuela ainsi qu’à la Maison-Blanche, soucieuses de profiter de la vague de manifestations de l’opposition.
Le 22 janvier, de hauts responsables du gouvernement, dont Mike Pompeo, le ministre du Commerce, Wilbur Ross, John Bolton et le ministre du Trésor Steven Mnuchin ont examiné la situation. Donald Trump s’est dit prêt à soutenir un changement de régime au Venezuela. Ce soir-là, le vice-président Mike Pence appelait Guaidó pour lui annoncer qu’il avait le soutien de Washington. Le lendemain, le jeune Vénézuélien s’autoproclamait président du Venezuela, et était officiellement reconnu comme le nouveau chef de l’État par les États-Unis, le Canada et de nombreux pays d’Amérique du Sud.
Les sanctions annoncées par les Étatsuniens le 28 janvier contre la compagnie pétrolière vénézuélienne PDVSA pourraient représenter un manque à gagner de 11 milliards de dollars en ventes de brut aux États-Unis.
Cuba dans le viseur
Prochaine étape, selon des responsables étatsuniens, des mesures supplémentaires contre La Havane, qui pourraient passer par le retour de Cuba sur la liste des États soutenant le terrorisme. Une telle initiative mettrait en péril les financements et les investissements réalisés par d’autres pays que les États-Unis, qui font désormais des affaires dans l’île, mais aussi les revenus que Cuba tire du tourisme.
Sont également envisagées de nouvelles sanctions contre des responsables politiques cubains et leur entourage, et la fin de la dérogation au titre III de la loi Helms-Burton, qu’avaient signée tous les gouvernements étatsuniens depuis son entrée en vigueur en 1996.
En cas d’application de cette disposition, des ressortissants étatsuniens seront fondés à poursuivre des personnes et des entreprises devant la justice des États-Unis pour les biens saisis par l’État cubain [au lendemain de la révolution] : des milliards de dollars d’investissements étrangers dans l’île pourraient s’en trouver gelés, notamment des hôtels, golfs et autres grands projets immobiliers.
Le gouvernement Trump devrait annoncer ces nouvelles mesures contre Cuba dans les semaines à venir, avec un premier objectif clair : empêcher La Havane de continuer à soutenir le régime de Maduro.
Si Maduro et son prédécesseur Hugo Chávez s’attirent depuis longtemps les anathèmes de Washington, le gouvernement Trump est rempli de responsables convaincus que Cuba représente une menace plus grande pour la sécurité nationale. Pour preuve selon eux, les opérations menées par les services de renseignements cubains aux États-Unis, et leurs actions visant à répandre l’antiaméricanisme dans d’autres pays d’Amérique latine.
L’objectif, dans l’idée de la Maison-Blanche, est de rompre les liens qui unissent le Venezuela à Cuba et de renverser les deux régimes.
“Troïka de la tyrannie”
LA « TROÏKA DE LA TYRANNIE », LE NOUVEL ENNEMI DE WASHINGTON CC BY 2.0 / DIRKB86 / DIRKS LEGO CARTE - AMÉRIQUE DU SUD |
gouvernement de revenir sur le dégel partiel des relations américano-cubaines entrepris sous Obama, qui s’était traduit par l’allégement des sanctions et l’ouverture de l’île aux investissements étatsuniens.
La Maison-Blanche planche depuis deux ans sur cette nouvelle stratégie, favorisée notamment par la montée en puissance d’anticastristes à l’image de Mauricio Claver-Carone, un membre du Conseil de sécurité nationale qui a voué sa vie à la chute de Fidel Castro. Elle doit aussi beaucoup au lobbying de certains élus, comme le sénateur Marco Rubio et le député Mario Díaz-Balart, qui comptent dans leur circonscription de nombreux électeurs ayant des liens avec le Venezuela.
Prochaine cible après le Venezuela et Cuba, le Nicaragua. Le ministère des Affaires étrangères a multiplié les mises en garde face à la dérive autocratique du pouvoir, à l’augmentation de la répression et de la violence dans le pays. Les Nicaraguayens viennent aujourd’hui grossir les flots de migrants à la frontière américano-mexicaine.
“Les États-Unis ont hâte de voir s’effondrer les trois sommets du triangle, à La Havane, à Caracas, à Managua [capitale du Nicaragua]”, a même déclaré John Bolton, conseiller à la sécurité nationale, dans un discours qui, en novembre, dessinait sans ambiguïté les contours de la nouvelle stratégie. Qualifiant les trois pays de “troïka de la tyrannie”, une expression de son cru, il l’a assuré : “La troïka tombera.”
Ce jour-là [le 1er novembre], le gouvernement étatsunien annonçait de nouvelles sanctions contre Cuba et le Venezuela, notamment contre une grosse vingtaine d’entreprises détenues ou contrôlées par l’armée et le renseignement cubain, et contre le secteur de l’or vénézuélien.
Une stratégie à haut risque
La stratégie américaine est extrêmement risquée. Si Washington ne parvient pas, par son soutien à l’opposant Juan Guaidó, à provoquer le départ de Maduro ni à desserrer les liens entre Caracas et La Havane, les conditions de vie déjà alarmantes au Venezuela pourraient encore se dégrader, et les États-Unis se retrouver plus impliqués encore dans cette crise. On estime aujourd’hui que trois millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.
Un échec étatsunien dans la région serait par ailleurs une victoire diplomatique éclatante pour les deux pays, façon David contre Goliath, et une aubaine pour la Chine, la Russie et l’Iran.
John Bolton, nommé conseiller à la sécurité nationale l’année dernière, est depuis longtemps un partisan de la ligne dure face à Cuba et au Venezuela. Mais il bénéficie désormais du soutien de Mauricio Claver-Carone, qui a été chargé du continent américain au Conseil de sécurité nationale, et qui partage ses positions. Claver-Carone fut conseiller de la campagne présidentielle de Trump et s’est fait connaître dans les cercles diplomatiques grâce à son blog Capitol Hill Cubans.
Sur une page désormais archivée de ce blog, il est présenté comme cofondateur et directeur du US-Cuba Democracy PAC, qui récolte des fonds au profit de membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Ce “comité d’action politique” a levé et dépensé quelque 4,7 millions de dollars depuis sa création, en 2003, pour “œuvrer à une transition sans condition de Cuba vers la démocratie, l’État de droit et l’économie de marché”.
Mauricio Claver-Carone a également dirigé l’association à but non lucratif Cuba Democracy Advocates de 2004 à 2017, ainsi qu’un petit cabinet de lobbying baptisé Cuba Democracy Public Advocacy Corp. pendant une dizaine d’années, jusqu’en 2016. Il a rejoint l’équipe Trump durant l’été 2018.
Une action coordonnée avec d’autres acteurs régionaux
L’année dernière au Venezuela, le rapprochement de deux des principaux partis d’opposition, les anciens adversaires Primero Justicia et Voluntad Popular (auquel appartient Juan Guaidó), a pour la première fois laissé entrevoir une transition possible. Les responsables étatsuniens ont dès lors entretenu de très réguliers contacts avec cette opposition.
“Et cela a renforcé leur crédibilité auprès de la communauté internationale”, fait remarquer Francisco Monaldi, spécialiste du Venezuela et du secteur pétrolier à la Rice University (Texas).
« Il y avait beaucoup de mépris pour l’opposition, qui s’est adouci dès lors que la Maison-Blanche a cru à ce pari. »La touche finale a été mise au printemps dernier avec la victoire de Maduro au terme d’une élection dénoncée comme une farce par plus de soixante pays, dont les États-Unis.
En 2018, l’élection d’Iván Duque à la présidence de la Colombie et celle de Jair Bolsonaro au Brésil ont également changé la donne : ces deux voisins immédiats sont en première ligne de l’exode des Vénézuéliens. Pendant les fêtes de fin d’année, le secrétaire d’État, Mike Pompeo, a rendu visite à ses homologues brésilien et colombien et a évoqué un plan d’action avec le président de la Colombie.
L’appel de Mike Pence à Juan Guaidó
L’investiture de Maduro, le 10 janvier, a mis la machine en marche à l’Assemblée nationale du Venezuela ainsi qu’à la Maison-Blanche, soucieuses de profiter de la vague de manifestations de l’opposition.
Le 22 janvier, de hauts responsables du gouvernement, dont Mike Pompeo, le ministre du Commerce, Wilbur Ross, John Bolton et le ministre du Trésor Steven Mnuchin ont examiné la situation. Donald Trump s’est dit prêt à soutenir un changement de régime au Venezuela. Ce soir-là, le vice-président Mike Pence appelait Guaidó pour lui annoncer qu’il avait le soutien de Washington. Le lendemain, le jeune Vénézuélien s’autoproclamait président du Venezuela, et était officiellement reconnu comme le nouveau chef de l’État par les États-Unis, le Canada et de nombreux pays d’Amérique du Sud.
Les sanctions annoncées par les Étatsuniens le 28 janvier contre la compagnie pétrolière vénézuélienne PDVSA pourraient représenter un manque à gagner de 11 milliards de dollars en ventes de brut aux États-Unis.
Cuba dans le viseur
LA RÉVOLUTION CUBAINE A 60 ANS NICOLAS RAMALLO |
Prochaine étape, selon des responsables étatsuniens, des mesures supplémentaires contre La Havane, qui pourraient passer par le retour de Cuba sur la liste des États soutenant le terrorisme. Une telle initiative mettrait en péril les financements et les investissements réalisés par d’autres pays que les États-Unis, qui font désormais des affaires dans l’île, mais aussi les revenus que Cuba tire du tourisme.
Sont également envisagées de nouvelles sanctions contre des responsables politiques cubains et leur entourage, et la fin de la dérogation au titre III de la loi Helms-Burton, qu’avaient signée tous les gouvernements étatsuniens depuis son entrée en vigueur en 1996.
En cas d’application de cette disposition, des ressortissants étatsuniens seront fondés à poursuivre des personnes et des entreprises devant la justice des États-Unis pour les biens saisis par l’État cubain [au lendemain de la révolution] : des milliards de dollars d’investissements étrangers dans l’île pourraient s’en trouver gelés, notamment des hôtels, golfs et autres grands projets immobiliers.
Le gouvernement Trump devrait annoncer ces nouvelles mesures contre Cuba dans les semaines à venir, avec un premier objectif clair : empêcher La Havane de continuer à soutenir le régime de Maduro.
Jessica Donati, Vivian Salama et Ian Talley
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