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Initiateurs de la politique économique mise en oeuvre au Chili sous la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), les "Chicago boys" sont de nouveau aux manettes, cette fois au Brésil, où leur doctrine ultra-libérale est vue comme le salut d'une économie en plein marasme.
« STRATÉGIE DU CHOC » |
Après une chute du PIB de près de 13% en 1975, ces disciples de l'économiste ultra-libéral Milton Friedman appliquent leur "programme de redressement": privatisation de 400 entreprises, réduction drastique du rôle de l'État et libéralisation quasi complète de l'économie, dont de larges pans des secteurs de la santé, de l'éducation et des retraites.
L'ÉCONOMISTE NÉOLIBÉRAL AMÉRICAIN MILTON FRIEDMAN, LE 9 MAI 2002 À WASHINGTON PHOTO GETTY IMAGES ARCHIVES |
"Des réformes d'une telle envergure sont inimaginables dans un contexte démocratique", explique à l'AFP le journaliste Manuel Délano, co-auteur en 1989 d'un ouvrage intitulé "L'héritage des Chicago boys".
- Miracle économique ? -
Mises au ban pendant les années 2000 dans une Amérique latine dominée par des gouvernements de gauche, ces politiques ont resurgi avec l'arrivée au pouvoir au Brésil du président d'extrême droite Jair Bolsonaro et la nomination au poste de ministre de l'Économie de Paulo Guedes, formé à Chicago et passé par le Chili dans les années 1980.
Pour alléger la lourde dette publique (76% du PIB), M. Guedes a prévu un vaste programme de privatisations, une réduction du rôle de l'État et une plus grande ouverture commerciale, avec pour objectif de reproduire ce qu'il considère comme le "miracle économique" chilien.
"Le Brésil a vécu 30 ans d'expansion incontrôlée des dépenses publiques (...), ce modèle a corrompu la politique, augmenté les impôts, les taux d'intérêt et fait boule de neige sur la dette", déclarait-il après la victoire de Bolsonaro fin octobre. Mercredi, il a présenté au Congrès une réforme du système des retraites.
LE MINISTRE DE L'ECONOMIE DU BRÉSIL, PAULO GUEDES, FORMÉ À CHICAGO ET AU CHILI, LORS DE SON PREMIER JOUR À SON POSTE LE 2 JANVIER 2019 PHOTO AFP/ARCHIVES |
"Le mythe du succès repose en grande partie sur l'idée de prendre en compte les réussites sans considérer les échecs", estime l'économiste Ricardo French-Davis, qui a étudié à Chicago en même temps que les pères des réformes chiliennes, mais se montre critique.
S'il reconnaît le "dynamisme des exportations, une certaine rigueur budgétaire et la reprise de l'activité économique", il souligne aussi "une désindustrialisation, deux graves récessions (1975 et 1982), de faibles investissements productifs, de forts investissements spéculatifs, une détérioration du système éducatif, ainsi qu'une baisse des investissements publics dans la santé, une hausse du chômage".
Sous la dictature, l'économie chilienne a connu une croissance moyenne de 2,9%, avec des dévissements en 1975 (-12,9%) et 1982 (-14,1%) et un pic entre 1977 et 1981. A la fin du régime, la pauvreté touchait 40% de la population et l'inflation s'élevait à 18%, même si le pouvoir d'achat avait presque doublé depuis 1981.
Pour l'économiste Rolf Lüders, ex-ministre des Finances sous la dictadure (1982-1993), il ne faut pas s'en tenir à ces données, mais prendre en compte le "contexte interne et l'environnement international" de l'époque, avec des réformes lancées en pleine crise.
"Si vous donnez à une personne malade un remède devant agir en quinze jours et que vous mesurez son efficacité après cinq jours, (le résultat initial) va être mauvais, mais ensuite il sera positif", fait-il valoir.
Manuel Délano souligne au contraire que la croissance a plus que doublé depuis l'avénement de la démocratie, par rapport à la période de la dictature, que l'inflation et la pauvreté (8,6% actuellement) ont été réduites. "Le +miracle économique+ au Chili, si tant est qu'il y en ait eu un, a eu lieu en démocratie et non sous la dictature", affirme-t-il. afp
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