Le verdict a été accueilli par des applaudissements dans la salle, où sont présents de nombreux parents et proches des quatre disparus. Juan Manuel Guillermo Contreras Sepulveda et Pedro Octavio Espinoza Bravo, anciens responsables de la Dina, police secrète, ont écopé des plus lourdes peines.
Des peines de 15, 20, 25 et 30 ans de réclusion ont été prononcées à l'encontre de 11 autres accusés, dont un Argentin, tous anciens hauts gradés chiliens à l'exception d'un civil. Ces condamnations sont supérieures aux réquisitions prononcées dans la matinée par le ministère public qui n'avaient pas excédé 20 années de réclusion.
35 ans d'attente
Fait rare dans un procès d'assises, c'est le procureur général de Paris en personne, François Falletti, qui avait entamé les réquisitions. L'avocat général Pierre Kramer a continué. Il a tenu à justifier "l'importance" de la tenue en France de ce procès, 37 ans après les faits. "Il faut se souvenir, ce procès est indispensable", a appuyé François Falletti.
"Il est indispensable aussi car ce qui s'est passé au Chili, ce sentiment de surpuissance, de pouvoir tout se permettre parce qu'on est au pouvoir, n'est pas une exclusivité du Chili ", a-t-il ajouté. Aux yeux du procureur général, la tenue d'une telle audience doit lancer "une message clair": de tels crimes doivent "donner lieu à des poursuites, quel que soit le temps, quel que soit l'espace".
13 anciens membres chiliens du régime Pinochet et un Argentin, essentiellement d'anciens militaires, âgés 61 à 89 ans, étaient jugés pour "arrestations, enlèvements, séquestrations arbitraires avec torture ou actes de barbarie" ou complicité.
Les familles des quatre disparus après le coup d'Etat du 11 septembre 1973 ont témoigné lors du procès de leur vie amputée par ce drame. Ils attendaient cette audience depuis plus de 35 ans.
Georges Klein, médecin et conseiller de Salvador Allende, a été arrêté à Santiago en septembre 1973, tout comme l'ancien prêtre Etienne Pesle, enlevé dans le sud du pays. Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet-Fernandez, deux membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), ont disparu l'un en 1974, l'autre en 1975.
En l'absence des accusés et de leurs avocats, la cour d'assises ne comprenait pas, comme à l'habitude, de jurés. Elle était composée de trois magistrats professionnels.
Certains accusés, comme le général Manuel Contreras, fondateur de la police secrète Dina, ont déjà été condamnés dans leur pays pour des crimes commis sous la dictature et sont en prison. D'autres, en liberté, ont des domiciles identifiés au Chili.
Leur condamnation en France est surtout symbolique et ne pourra être exécutée que s'ils voyagent. Sous mandat d'arrêt international depuis plusieurs années, ils pourraient être arrêtés à l'étranger. Un nouveau procès devrait alors avoir lieu.
Augusto Pinochet, au pouvoir au Chili de 1973 à 1990, était mis en examen dans cette procédure française mais sa mort, en décembre 2006, a mis fin à l'action contre lui. Il a réussi à échapper à toutes les poursuites pour des crimes commis sous la dictature.