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mercredi 2 mai 2018

AU PAYS DE L'« ARDEUR RÉVOLUTIONNAIRE »



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PORTRAIT DE KARL MARX,
LE FONDATEUR DU COMMUNISME
ET AUTEUR DE DAS KAPITAL


LE MONDE DIPLOMATIQUE - AUDIO »
AU PAYS DE L'« ARDEUR RÉVOLUTIONNAIRE »
 DURÉE : 00:59:00

Karl Marx et la France
Au pays de l’« ardeur révolutionnaire »La ville de Trèves, où Karl Marx vit le jour le 5 mai 1818, s’apprête à fêter en grande pompe le bicentenaire de la naissance du penseur allemand. En France, l’événement revêt surtout une dimension éditoriale et universitaire. Une telle discrétion ne reflète guère la place occupée par ce pays, à la fois terre d’asile et champ de batailles politiques, dans la vie et l’œuvre du théoricien communiste.
COUVERTURE DE
« MARX, UNE PASSION FRANÇAISE »
par Antony Burlaud
En 1908, dans Les Trois Sources du marxisme, Karl Kautsky avance une thèse reprise plus tard par Lénine : Karl Marx (1818-1883) aurait accompli la « fusion de tout ce que la pensée anglaise, la pensée française et la pensée allemande avaient de grand et de fertile ». Dans ce schéma, rapidement devenu un lieu commun, la France représente, à côté de l’Allemagne des philosophes et de l’Angleterre des économistes, le pays de la « pensée politique », de la pratique radicale et de l’« ardeur révolutionnaire ». De fait, ce pays a été, pour Marx, la patrie de la grande Révolution, le foyer de l’explosion de 1848, et aussi le lieu d’une première rencontre avec un mouvement ouvrier vigoureux, organisé et doté de fortes traditions : en somme, le pays de la politique en actes.

« AUTO-STOP DE KARL MARX », 
AFFICHE DE « GRAPUS », 1976. 
 «  FÊTE DE  L'AVANT-GARDE »   
Mais la France a été, pour le philosophe, bien d’autres choses encore : un lieu d’asile et de plaisirs, un pays de mission, un champ de batailles (théoriques et organisationnelles), un point d’ancrage familial, et aussi, en maintes occasions, un repoussoir. Surtout, elle a offert au penseur allemand plus qu’un passé révolutionnaire à méditer ou des traditions ouvrières à imiter : elle a vu apparaître sur son sol une multiplicité de formules politiques, durables (Second Empire, IIIe République) ou éphémères (IIe République, Commune), qui surprirent Marx, forcèrent sa pensée et l’obligèrent à revoir et à enrichir ses théories.

Il s’en est fallu de peu qu’il voie le jour en terre française. Trèves, sa ville natale, avait été rattachée à la République en 1797, avant de recevoir, sous le Consulat, le titre de préfecture du département de la Sarre, qu’elle conserva jusqu’en 1814. Ces dix-sept ans de présence française marquèrent profondément la région, en y apportant le « langage des droits universels  » et la modernité juridique du code civil. Pour le tout jeune Marx, la France apparaît donc d’abord comme la Grande Nation, le pays des Lumières, de la Révolution, et jouit d’une certaine aura.

Au lycée, on (...)

Taille de l’article complet : 2 758 mots.

Antony Burlaud

Doctorant en science politique au Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP) - université Paris-I. Coordinateur, avec Jean-Numa Ducange, de Marx, une passion française (La Découverte, 2018). Cet article est une version condensée du prologue de l’ouvrage.
(1) Gareth Stedman Jones, Karl Marx. Greatness and Illusion, Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts), 2016.

(2) Épisode révolutionnaire qui s’étala sur trois jours (du 27 au 29 juillet 1830) et aboutit à l’instauration d’un nouveau régime, la monarchie de Juillet.

(3) Jean-Numa Ducange, « Marx, le marxisme et le “père de la lutte des classes”, Augustin Thierry », Actuel Marx, no 58, Paris, 2015.

(4) Jeannine Verdès, « Ba 1175 : Marx vu par la police française, 1871-1883 », Cahiers de l’ISEA, no 176, Grenoble, 1966.