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mardi 22 mai 2018

AU CHILI, UN NOUVEAU SCANDALE SEXUEL SECOUE L’ÉGLISE



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L’ÉVÊQUE JUAN BARROS FUT NOMMÉ PAR LE PAPE EN JANVIER
2015 À LA TÊTE DU DIOCÈSE MÉRIDIONAL D’OSORNO,
BIEN QU’ÉTANT ACCUSÉ D’AVOIR COUVERT LES AGRESSIONS
SEXUELLES COMMISES PAR UN PRÊTRE.
PHOTO ALESSANDRA TARANTINO  
Une enquête journalistique a révélé qu’une vingtaine de prêtres ont eu des conduites sexuelles inappropriées, notamment avec des garçons mineurs, sans être inquiétés.  
Par Angeline Montoya
Le jour où l’ensemble des évêques chiliens, accusés d’avoir couvert des actes pédophiles, remettaient leur démission au pape, vendredi 18 mai, l’Eglise chilienne était secouée par un nouveau scandale sexuel, révélé par « Teletrece », l’émission d’information de la chaîne de télévision Canal 13. Quatre jours plus tard, mardi 22 mai, l’évêché de Rancagua, à 80 kilomètres au sud de Santiago, a annoncé la suspension de quatorze prêtres qui ont « commis des actes qui peuvent constituer des crimes dans les domaines civil et canonique ».

Tout est parti d’une paroissienne de la ville de Rancagua qui a confié à une équipe de journalistes l’existence d’un groupe de dix-sept prêtres qui se faisaient appeler « la famille » et avaient des relations sexuelles avec des personnes majeures, mais également avec des mineurs. « Je ne sais pas s’il faut les appeler confrérie, secte ou groupe de prêtres, mais ils avaient des pratiques contraires à leur condition de curé avec des jeunes de 15 à 29 ans, en tout cas à mon époque », témoigne Elisa Fernandez, ex-coordinatrice de la pastorale de jeunes.

Selon l’enquête, le groupe avait une structure pyramidale et était dirigé par un prêtre qui se faisait appeler « la grand-mère », suivi par les « tantes », les « filles » et les « petites-filles », tous prêtres de cet évêché. Selon un curé cité dans l’enquête, qui a demandé l’anonymat, cette « confrérie » existe depuis huit à dix ans. Majeurs, mineurs, « tout était bon, sans distinction », soutient le jeune homme, accusant les membres de ce groupe de se rendre régulièrement à Santiago pour avoir des relations sexuelles tarifées avec de jeunes prostitués adolescents.


Trente-quatre démissions

Elisa Fernandez dit avoir alerté à au moins quatre reprises Alejandro Goic, l’évêque du diocèse de Rancagua. Elle lui a remis la liste des dix-sept prêtres, parmi lesquels, affirme-t-elle, certains se vantaient de leurs préférences pour des mineurs. L’évêque Goic, qui fait partie des trente-quatre personnes ayant remis leur démission au pape François vendredi, a alors exigé des preuves. Quelques jours avant la visite du pape, en janvier, Mme Fernandez a également envoyé une lettre à l’épiscopat chilien, qui n’a pas non plus donné suite.

La jeune femme, explique « Teletrece », a alors piégé l’un des prêtres incriminés, le père Luis Rubio, de la ville de Paredones, se faisant passer sur Facebook pour un garçon de 16 ans. Le prêtre lui a alors répondu avec des messages érotiques et même envoyé des photographies de lui totalement nu. « Je ne demande pas que ce soient des saints, explique Elisa Fernandez à la chaîne de télévision. Je demande juste qu’une personne qui vient de me confesser n’envoie pas une photographie de son appareil génital à un jeune de 16 ans. »

Quelques jours avant la diffusion du reportage, le prêtre Rubio, qui a reconnu les faits qu’il qualifie de « honteux », avait alerté ses supérieurs de son « comportement inapproprié » et avait été suspendu temporairement de ses fonctions. À son retour du Vatican, Mgr Goic – qui est aussi président du conseil pour la prévention des abus contre les mineurs de l’épiscopat de Rancagua – a expliqué aux journalistes qu’il n’avait pris aucune mesure contre Luis Rubio, malgré les alertes, car il n’est pas « détective » : « Je me suis formé pour être pasteur et pour servir les gens », a-t-il justifié.

Des regrets tardifs

Le lendemain de la diffusion du reportage, l’archevêché de Rancagua a finalement déposé une plainte contre Luis Rubio devant le procureur de Santa Cruz. « L’évêque a fait comme le pape, souligne Mme Fernandez. Il a exigé des preuves. Et aujourd’hui, le pape demande pardon pour ce qu’il a fait. L’évêque devrait faire la même chose. »


La paroissienne faisait référence à la défense, par François, de l’évêque Juan Barros. Nommé par le pape en janvier 2015 à la tête du diocèse méridional d’Osorno. Il était pourtant accusé d’avoir couvert les agressions sexuelles commises pendant des années par un prêtre de Santiago, Fernando Karadima, condamné par l’Eglise pour pédophilie en 2011. Lors de sa visite en janvier, François s’était dit convaincu de l’innocence de Mgr Barros. Il avait accusé les victimes d’avoir proféré des « calomnies » et leur avait reproché de n’apporter aucune preuve à l’appui de leurs accusations avant de reconnaître, trois mois plus tard, « avoir commis de graves erreurs d’appréciation et de perception ».

C’est l’affaire de l’évêque Barros qui est à l’origine du scandale pour lequel François a convoqué l’ensemble des évêques chiliens, qui s’étaient vu remettre, le 15 mai, par le pontife argentin, un texte de dix pages dans lequel celui-ci leur avait reproché d’avoir abrité « de nombreuses situations d’abus de pouvoir, d’autorité et d’abus sexuels » et même d’avoir détruit « des documents compromettants ». A la suite de quoi les évêques avaient remis leur démission.