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LE PAPE FRANÇOIS, À ROME, LE 5 MAI 2018. PHOTO EVANDRO INETTI |
Après avoir rencontré les porte-paroles des victimes, fin avril, François doit recevoir, à Rome, à partir de mardi, l’ensemble des évêques du Chili.Par Cécile Chambraud
Soupçonnés, pour certains, d’avoir couvert des faits de pédophilie et d’agression sexuelle au sein de l’Eglise catholique de leur pays, trente et un des trente-deux évêques chiliens et deux évêques émérites sont arrivés à Rome pour affronter, sinon un moment de vérité, à tout le moins un examen de conscience. Ils y rencontreront, à sa demande, le pape François, du mardi 15 au jeudi 17 mai.
Le communiqué publié par le Vatican, samedi 12 mai, ne laisse guère de doute sur l’état d’esprit avec lequel le pontife argentin aborde cette réunion. Il veut « examiner en profondeur les causes et les conséquences » des « abus de pouvoir, sexuels et de conscience intervenus au Chili au long des dernières décennies », ainsi que « les mécanismes qui ont conduit, dans certains cas, à les couvrir et à de graves manquements envers les victimes ». Autant dire que, sur la réalité des dérives au sein de l’épiscopat chilien, François n’a plus aujourd’hui de doute.
Cette réunion pourrait amorcer le dénouement d’une crise qui n’a fait que s’approfondir depuis plusieurs années, et dans laquelle le pape s’est lui-même enfoncé. Elle avait culminé en janvier, lors de sa visite au Chili. François avait alors pris le parti des évêques mis en cause. Les anciennes victimes d’un prêtre reconnu pédophile par l’Eglise, en 2011, Fernando Karadima, reprochaient en effet à certains évêques d’avoir couvert ce dernier. Le pontife avait affirmé n’avoir vu aucune « preuve » de leurs assertions, qu’il avait qualifiées de « calomnies ».
Dans une lettre, le pape François écrit « avoir commis de graves erreurs d’appréciation et de perception »
Le scandale qui avait suivi les déclarations du pape François avait été tel que, de retour à Rome, il avait dépêché au Chili l’archevêque de Malte, Charles Scicluna, et le père Jordi Bertomeu, de la congrégation pour la doctrine de la foi, avec, pour mission, d’entendre toutes les victimes qui le souhaiteraient, dans l’affaire Karadima comme dans d’autres. Les deux ecclésiastiques ont rencontré soixante-quatre personnes et ont remis au pape un rapport de 2 300 pages.
On ne connaît pas la teneur de ce rapport, mais cet épais document a poussé le pape à rédiger une longue lettre aux évêques chiliens. Dans cette missive datée du 8 avril, François reconnaissait « avoir commis de graves erreurs d’appréciation et de perception » dans la crise chilienne et il conviait les évêques à se rendre à Rome. Dans le communiqué de samedi, le Vatican laisse entendre que, ces dernières semaines, il a reçu de nombreux autres « témoignages oraux et écrits ».
Quels sont les objectifs de cette réunion avec l’épiscopat chilien ? D’abord, d’établir « la responsabilité de tous et de chacun dans ces blessures dévastatrices ». Il est probable que le pape ne s’exonère pas de sa part de responsabilité dans les dernières années. Il a maintenu, contre les protestations, sa décision de janvier 2005 de nommer Mgr Juan Barros, l’un des protégés de Fernando Karadima, évêque du diocèse d’Osorno, dans le sud du Chili, taxant de « gauchistes » ceux qui, dans le diocèse, protestaient contre l’identité de leur nouvel évêque.
« Restaurer la confiance en l’Eglise »
Devront aussi être précisées les responsabilités de ceux qui ont permis la commission de ces agressions sexuelles, établies comme des faits par le communiqué de samedi, tout comme celles de ceux qui ont protégé leurs auteurs, protections elles aussi tenues pour acquises. Enfin, le pape François devra aussi expliquer comment il a pu à ce point se fourvoyer.
Dans sa lettre du 8 avril, il laissait entendre que sa propre attitude avait pour origine un « manque d’information fiable et équilibrée ». Une des personnalités sur la sellette pour cette mauvaise information est le cardinal Javier Errazuriz, ancien archevêque de Santiago, aujourd’hui membre du groupe de neuf cardinaux nommé par le pape François pour le conseiller.
L’objectif du pape François sera aussi de « restaurer la confiance en l’Eglise » de l’opinion chilienne, qui s’en est spectaculairement détachée, « à travers de bons pasteurs qui (…) sachent accompagner la souffrance des victimes et travailler de manière décidée et inlassable à la prévention des abus ».
Dans une chronologie étudiée, avant de rencontrer les évêques chiliens, le pape François a reçu, il y a deux semaines, les trois principaux porte-paroles des victimes de Fernando Karadima, Juan-Carlos Cruz, James Hamilton et Jose Andres Murillo. Hébergés à Sainte-Marthe, la résidence où il vit, il les a écoutés séparément, puis ensemble, pendant de longues heures. C’est désormais au tour des évêques de s’expliquer.