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mardi 29 mai 2018

APRÈS LA DÉMISSION DES ÉVÊQUES CHILIENS, DES SCANDALES D’ABUS EN CASCADE


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NOMMÉ SAMEDI 26 MAI À LA TÊTE DU CONSEIL DE PRÉVENTION
DES ABUS SEXUELS, MGR JUAN IGNACIO GONZÁLEZ ERRÁZURIZ
(À GAUCHE), 61 ANS, ÉVÊQUE DE SAN BERNARDO ET MEMBRE
DE L’OPUS DEI, EST LUI-MÊME TRÈS DÉCRIÉ PAR LES VICTIMES
DE FERNANDO KARADIMA. PHOTO DE LA CONFÉRENCE DE 
PRESSE DES ÉVÊQUES CHILIENS APRÈS LES RÉUNIONS DE 
L'ÉPISCOPAT CHILIEN AVEC LE PAPE FRANÇOIS AU VATICAN. 
A DROITE  : MGR LUIS FERNANDO RAMOS PEREZ, ÉVÊQUE AUXILIAIRE DE SANTIAGO. 
PHOTO M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC/CATHOLIC PRESS PHOTO
Depuis la démission des évêques chiliens, à qui le pape reproche une faillite collective dans la lutte contre les abus sexuels, plusieurs nouvelles affaires viennent d’être révélées.
 LE PRÊTRE CATHOLIQUE  ÓSCAR MUÑOZ TOLEDO
PHOTO CLAUDIO CAIOZZI
La boîte de Pandore est ouverte au Chili et il semble bien qu’il faille s’attendre à des révélations en cascade, dans cette Église gangrenée par les scandales de pédophilie. Cinq jours après la démission de l’ensemble des évêques chiliens, épinglés par le pape François pour leur gestion calamiteuse de ces affaires, le diocèse de Santiago a confirmé jeudi 24 mai une information publiée dans les médias locaux selon laquelle le chancelier, le père Oscar Muñoz Toledo, c’est-à-dire l’homme chargé notamment de recueillir les plaintes des victimes de prêtres pédophiles, s’était auto-dénoncé pour avoir abusé d’une personne (mineure ou majeure, le diocèse n’a pas précisé) le 2 janvier dernier, soit deux semaines avant la visite du pape François dans ce pays.


Le père Muñoz aurait lui-même couvert des abuseurs 
Le diocèse indique, dans une note publiée sur son site Internet, lui avoir alors retiré toute fonction et l’avoir interdit de tout ministère public, lançant à son encontre une enquête préliminaire avant d’envoyer le dossier à Rome.

Mais au-delà de son cas personnel, il se pourrait que
« L'octogénaire père Fernando Karadima, un ancien formateur charismatique de prêtres, a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d'avoir commis des actes pédophiles dans les années 80 et 90. Il a été contraint à se retirer pour une vie de pénitence. » (*)
LES ÉVÊQUES ET LEUR LEADER FERNANDO KARADIMA 
PHOTO TWITTER 
 le père Muñoz ait lui-même couvert des abuseurs : c’est lui en effet qui avait reçu en 2003 les premières plaintes des victimes de Fernando Karadima. Cet ancien curé d’une paroisse huppée de Santiago s’était révélé un redoutable prédateur sexuel, dont les abus ont été à l’origine de la violente crise qui secoue l’Église chilienne.

Or, il fallut attendre 2007 pour qu’un procès canonique s’ouvre et 2010 pour que le dossier soit transmis à Rome qui renvoya aussitôt Karadima de l’état clérical. Aux yeux de l’une des victimes, Juan Carlos Cruz, l’annonce du retrait du chancelier du diocèse est à mettre en lien avec la lettre incendiaire envoyée il y a dix jours par le pape François aux évêques chiliens, dans laquelle il affirmait que des « documents compromettants » avaient été détruits.

« La famille »,une quinzaine de prêtres aujourd’hui suspendus

La semaine dernière toujours, un autre scandale d’abus sexuels, dans le diocèse de Rancagua (centre), a été révélé qui met en cause, celui-là, une quinzaine de prêtres, suspendus en attendant que lumière soit faite sur leurs agissements. Selon des témoignages diffusés par la chaîne de télévision Canal 13, ces clercs ont fait partie d’un groupe qu’ils ont baptisé « la famille », au sein duquel ils auraient eu pendant dix ans une conduite sexuelle inadéquate et se seraient livrés à de possibles abus sexuels sur des jeunes. L’évêque du diocèse et ancien président de la conférence épiscopale chilienne, Mgr Alejandro Goic, aurait été alerté au moins à quatre reprises.


Éclaboussé par ce scandale, ce dernier a démissionné ce week-end de la présidence du Conseil national de prévention des abus sexuels, l’instance créée en 2011 au sein de l’épiscopat chilien pour empêcher, précisément, de tels abus. Mgr Goic, 78 ans, a fait valoir la nécessité de « concentrer ses forces à éclaircir » cette affaire.

Une nomination qui fait polémique

Son remplacement a suscité une nouvelle polémique. Nommé samedi à la tête de ce Conseil, Mgr Juan Ignacio González Errázuriz, 61 ans, évêque de San Bernardo et membre de l’Opus Dei, est lui-même très décrié par les victimes de Fernando Karadima. Il les avait notamment critiquées par le passé, en affirmant que « leur demande de pardon » était « exagérée », tout en défendant dans les médias Mgr Juan Barros, évêque d’Osorno accusé d’avoir couvert les agissements de Karadima.

Toutes ces affaires manifestement entremêlées mettent en évidence l’urgence, pour le pape de prendre des décisions drastiques, alors qu’il a entre les mains les 2 300 pages du rapport que lui ont remis les deux enquêteurs dépêchés au Chili et qu’il doit recevoir vendredi 1er juin un nouveau groupe de victimes.

Le retrait de Mgr Barros, et sans doute aussi de Mgr Tomislav Koljatic, à Linares, et de Mgr Horacio Valenzuela, à Talca, tous formés par Karadima qui exerçait une grande influence sur de nombreux clercs au Chili, semble acquis. Mais cela sera-t-il suffisant ? Les victimes lui ont remis 17 pages de propositions portant sur la prévention et la réparation de ces abus. Certaines suggèrent qu’une commission nationale soit mise en place sur le modèle de la Commission royale chargée d’enquêter sur les abus sexuels dans toute la société australienne.

Céline Hoyeau