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JUAN CARLOS CRUZ, JAMES HAMILTON ET
JOSE ANDRES MURILLLO ONT ÉTÉ VICTIMES
D'ABUS SEXUELS DE LA PART DU PÈRE FERNANDO KARADIMA.
PHOTO TIZIANA FABI
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Trois hommes victimes d'un prêtre pédophile chilien reçus longuement par le pape François ont dénoncé mercredi l'omerta d'une partie de la haute hiérarchie de l'Église catholique du Chili malgré une véritable «épidémie» dans leur pays, l'un d'eux montrant du doigt un cardinal proche du pape.
LES TROIS VICTIMES D'UN PRÊTRE PÉDOPHILE CHILIEN ONT EU DES RENCONTRES PRIVÉES AVEC LE PAPE FRANÇOIS À ROME LE 2 MAI 2018. PHOTO TIZIANA FABI |
«Le cardinal Errazuriz est un vrai criminel, un homme qui a couvert les actes odieux de Karadima» pendant au moins cinq ans, a affirmé James Hamilton, en détaillant des rendez-vous. «Tous en prison», a-t-il lancé, en dénonçant aussi le silence d'un autre cardinal chilien, Mgr Ricardo Ezzati.
Au Chili, où environ 80 membres du clergé ont été impliqués dans une série d'affaires d'abus sexuels ces dernières années, selon une association de victimes, la venue du pape à la mi-janvier avait ravivé les plaies.
François avait transformé le voyage en fiasco médiatique en défendant avec force un évêque chilien, Mgr Juan Barros, soupçonné d'avoir caché les actes pédophiles du père Karadima.
Le pape s'était déclaré persuadé de l'innocence de Juan Barros et avait demandé aux victimes présumées des preuves de sa culpabilité. Avant de présenter ses excuses pour ces propos maladroits et de dépêcher au Chili deux enquêteurs.
En lisant les conclusions de leurs 2300 pages d'enquête, comprenant 64 témoignages, le souverain pontife a poursuivi son mea culpa en reconnaissant voici trois semaines avoir commis «de graves erreurs» d'appréciation de la situation au Chili dans une lettre aux 32 évêques du pays.
«Le pape a été dupé»
Évoquant « un manque d'informations véridiques et équilibrées », le pape a convoqué à Rome la troisième semaine de mai l'ensemble des évêques chiliens.
« J'ai dit au pape que Barros nous voyait quand nous étions abusés sexuellement, je crois que c'est clair pour le pape maintenant », a dit Juan Carlos Cruz, qui a parlé avec François durant près de trois heures.
« Lorsque le pape m'a demandé pardon, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi contrit. J'ai senti qu'il avait mal », a confié le Chilien.
Le pape lui a dit « je faisais partie du problème, j'ai causé cela et je vous demande pardon », a-t-il cité.
« Ma conclusion est que le pape était mal informé », qu'il a été « dupé » par les cardinaux chiliens, a jugé Cruz qui avait écrit au pape en 2015 pour dénoncer Barros.
« Nous espérons que le pape François transformera ses paroles d'amour et de miséricorde en actions exemplaires », ont écrit les trois victimes dans un texte commun, dans lequel ils remercient aussi François d'avoir « demandé pardon en son nom et au nom de l'Église universelle ».
Pour Jose Andrés Murillo, « ce n'est pas un moment de triomphe, une chose réparatrice». « Je travaille constamment avec des enfants victimes d'abus, j'ai pensé à eux », a-t-il confié. « Nous n'étions pas ici pour faire des relations publiques, nous attendons des actions ».
La conférence de presse des victimes chiliennes est intervenue au lendemain de l'annonce du prochain procès en Australie du numéro trois du Vatican, le cardinal australien George Pell, pour des accusations d'agressions sexuelles anciennes qu'il rejette.
François, qui proclame «la tolérance zéro» pour les prêtres pédophiles, est sans cesse rattrapé par un sujet longtemps étouffé au sein de l'Église catholique et désormais largement médiatisé dans de nombreux pays lorsque les victimes finissent par s'exprimer parfois au bout de décennies.