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NICANOR PARRA AU PARADIS DE L'ANTIPOÉSIE ILLUSTRATION LORENZO MARQUÉS |
103 ans, quelques mois après la parution de sa première anthologie en français. Nicanor Parra au paradis de l'antipoésie
Duchamp et Hamlet
Au fil des années et de ses voyages, il avait digéré les apports de Marcel Duchamp et de la Beat generation. Sur sa passion pour Shakespeare, son admirateur Roberto Bolaño rapportait une anecdote. Quand il lui rendit visite, Parra l’accueillit en anglais, avant de préciser : « Ce sont les paroles de bienvenue qu’offrent des paysans du Danemark à Hamlet. » Mathématicien, professeur de physique, il avait pour gagne-pain l’enseignement, et avait un poste à l’université de Santiago en 1973 quand survient le coup d’État du général Pinochet. La gauche lui reprochera d’être resté dans le pays, au moment ou de très nombreux artistes et intellectuels prenaient le chemin de l’exil (d’autres furent emprisonnés ou assassinés).
Auparavant, il n’avait pas épargné les socialistes. En 1972, dans la série de vignettes dessinées Artefacts, il détournait le célèbre slogan de l’Unité populaire de Salvador Allende en montrant une foule arborant la pancarte : «La gauche et la droite unies ne seront jamais vaincues». Mais en 1977, son récital de poésie intitulé Feuilles de Parra (ce qui signifie aussi «feuilles de vigne») était rempli d’allusions à la situation politique. Exemple : «Le renard fait la loi dans le poulailler.» Après onze représentations, le chapiteau qui abritait le spectacle fut détruit par un incendie.
Nicanor Parra a reçu mardi les hommages de la présidente Michelle Bachelet et de son successeur Sebastian Piñera, qui prendra ses fonctions le 10 mars. Deux jours de deuil national ont été décrétés.
(1) Anthologie 1937-2014, Le Seuil/Librairie du XXe siècle. Traductions de Bernard Pautrat avec la collaboration de Felipe Tepper. 725 pp., 34 €