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MICHELLE BACHELET ET STEPHEN HAWKING AU PALAIS PRÉSIDENTIEL DE LA MONDA À SANTIAGO DU CHILI, EN 2008. |
Le physicien Stephen Hawking, auteur d’« Une brève histoire du temps », est mort à 76 ans. Le Britannique, spécialiste des trous noirs, bien connu du grand public était paralysé par une maladie dégénérative depuis les années 1960.
LE PHYSICIEN ET COSMOLOGISTE BRITANNIQUE STEPHEN HAWKING, LE PLUS CÉLÈBRE SCIENTIFIQUE CONTEMPORAIN, EST MORT À 76 ANS PHOTO JOEL SAGET |
Il a quitté le fauteuil roulant où était cloué son corps souffreteux pour rejoindre, peut-être, une dimension de l’espace-temps où son esprit vagabondait avec une absolue liberté. Le physicien et cosmologiste britannique Stephen Hawking, le plus célèbre scientifique contemporain, est mort à 76 ans, a annoncé sa famille mercredi 14 mars.
« Nous sommes profondément attristés par la mort, aujourd’hui, de notre père adoré. (…) C’était un grand scientifique et un homme extraordinaire, dont le travail vivra encore de nombreuses années », ont écrit ses enfants Lucy, Robert et Tim dans ce texte publié par l’agence britannique Press Association.
STEPHEN HAWKING, EST MORT
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Une icône
Il la doit aussi au contraste, qui pouvait provoquer le malaise autant que la fascination, entre une terrible infirmité physique, qui l’avait réduit à ne plus pouvoir s’exprimer qu’à l’aide d’un unique doigt valide – puis d’une contraction de la joue – actionnant un synthétiseur vocal, et une exceptionnelle puissance intellectuelle, doublée d’un robuste sens de l’humour. Cette dualité, portée chez lui à son paroxysme, en a fait une icône. Le symbole de la victoire de la pensée sur la chair, à l’image de l’éclat d’un visage d’éternel étudiant que n’arrivait pas à flétrir le rictus de lèvres muettes.
Né le 8 janvier 1942 à Oxford, le jeune Stephen Hawking ne montre guère de prédispositions pour l’école, avant tout par paresse, exerçant plus volontiers son imagination à inventer des jeux de société aux règles toujours plus subtiles, comme pour éprouver le plaisir de maîtriser les lois d’un monde virtuel. Avec ses camarades, il confectionne des feux d’artifice dans la serre de son père et participe à la fabrication d’un proto-ordinateur. Autant d’indices d’un intérêt pour les sciences physiques, qu’il étudie à partir de 1959 à l’université d’Oxford.
STEPHEN HAWKING ET SA FEMME JANE, 1965. |
D’Oxford à Cambridge
DANS L’ÉQUIPE D’AVIRON UNIVERSITAIRE, TIENT LA PLACE DE BARREUR, |
En 1962, il part étudier la cosmologie à l’université de Cambridge, où il commence une thèse sur la relativité générale. Quelque mois plus tard, sa maladie, annoncée par des troubles moteurs croissants, est diagnostiquée : sclérose latérale amyotrophique, encore appelée maladie de Charcot. Une dégénérescence des neurones moteurs conduisant à la paralysie. Les médecins ne lui donnent pas plus de deux ou trois années à vivre.
Le jeune homme surmontera le choc et déjouera les pronostics. « Il me semblait un peu absurde de faire mon travail de recherche parce que je ne comptais pas vivre assez longtemps pour finir mon doctorat. Cependant, à mesure que le temps passait, la maladie semblait ralentir. (…) Je me suis fiancé à une jeune femme nommée Jane Wilde. Cela me donnait une raison de vivre, mais cela voulait aussi dire qu’il fallait que je trouve du travail si nous voulions nous marier », racontait-il dans son autobiographie, Qui êtes-vous Mister Hawking ? (Odile Jacob). L’histoire d’amour entre Stephen Hawking et Jane Wilde fut par la suite au cœur du film biographique Une merveilleuse histoire du temps (2014), où le personnage de l’étudiant britannique était interprété par Eddie Redmayne.
Étude des trous noirs
À Cambride suivent des années d’une très grande fécondité. Avec son collègue Roger Penrose, il établit, dans un théorème qui porte leurs noms, que la relativité générale d’Albert Einstein implique que l’espace et le temps ont comme origine le Big Bang, et comme fin les trous noirs. Ce que les cosmologistes nomment des « singularités » : des points de densité et de courbure de l’espace-temps infinis.
Il concentre alors ses travaux sur les trous noirs, ces objets célestes massifs dont le champ gravitationnel est si intense que, selon la mécanique classique, aucune matière ni aucune lumière ne devrait pouvoir s’en échapper. En appliquant les lois de la mécanique quantique, il montre qu’en réalité ces sombres béances ont des fuites, qu’elles peuvent émettre une radiation. Ce phénomène, baptisé « rayonnement de Hawking », ou encore « évaporation des trous noirs », sera l’une de ses percées théoriques les plus importantes.
La question de l’information portée par ce rayonnement reste l’une des grandes énigmes de la physique moderne. En 1997, Hawking prendra le pari, contre le physicien John Preskill, de l’université Caltech (Californie), que l’information sur la matière avalée par un trou noir est irrémédiablement perdue. Sept ans plus tard, il reconnaîtra son erreur – si l’on attendait que le trou noir disparaisse, l’information sur la matière engloutie serait restituée –, et il remettra à Preskill son prix : une encyclopédie du base-ball.
« Théorie du tout »
STEPHAN HAWKING EN 1979 À PRINCETON PHOTO SANTI VISALLI |
STEPHEN HAWKING LORS D’UNE CONFÉRENCE DE PRESSE AU PALAIS PRÉSIDENTIEL DE LA MONDA À SANTIAGO DU CHILI, EN 2008. PHOTO MARTIN BERNETTI |
Les distinctions pleuvent. Nommé Commandeur de l’Empire britannique en 1982, il reçoit, en 2006, la médaille Copley, la plus prestigieuse distinction scientifique décernée par la Royal Society de Londres. Au faîte de sa notoriété, Hawking affichait une distance lucide vis-à-vis du « battage » dont il était l’objet de la part des médias. « Je suis certain que mon handicap a un rapport avec ma célébrité, confiait-il sur son site Internet. Ils ont besoin d’un personnage à la Einstein auquel se référer. Mais, pour les journalistes, me comparer à Einstein est ridicule. Ils ne comprennent ni le travail d’Einstein ni le mien. »
Une partie de poker avec Newton et Einstein
HAWKING, DANS UN ÉPISODE DE LA SÉRIE STAR TREK, DISPUTAIT UNE PARTIE DE POKER AVEC NEWTON ET EINSTEIN PHOTO JULIE MARKES |
C’est pourtant lui qui, dans un recueil de grands textes de physique et d’astronomie publié en 2003, Sur les épaules des géants (Dunod ), se posait implicitement – et assez peu modestement – en héritier de Copernic, Galilée, Kepler, Newton et Einstein. Lui aussi qui, dans un épisode de la série Star Trek, disputait une partie de poker avec Newton et Einstein. Peu avare de son image, il est également apparu dans plusieurs épisodes des Simpson. Et il a prêté sa voix, digitalisée, à la chanson Keep talking des Pink Floyd.
Célébrité trop envahissante ? Handicap trop lourd à supporter pour ses proches ? Son ménage n’y a pas résisté : en 1990, il s’est séparé de son épouse Jane et s’est remarié, en 1995, avec l’une de ses infirmières, dont il divorcera en 2006.
Au cours des dernières années de sa vie, alors qu’il était presque totalement paralysé, enfermé dans un corps aussi inerte qu’un scaphandre de chiffon, Stephen Hawking n’en avait pas moins continué, assisté d’étudiants et de collègues, à alimenter la physique théorique de ses idées. En février 2016, il s’était enthousiasmé pour la découverte des ondes gravitationnelles : « C’est exaltant, disait-il, de voir des prédictions que j’ai faites il y a plus de quarante ans être confirmées par l’observation au cours de ma vie. » Il y a encore quelques jours, était mis à jour, sur le serveur de prépublications scientifique arXiv, un article cosigné avec Thomas Hertog (université de Louvain) sur les origines de l’univers.
STEPHEN HAWKING LORS D’UN VOL PARABOLIQUE EN APESANTEUR, DANS UN AVION SPÉCIALEMENT AMÉNAGÉ, LE 26 AVRIL 2007. |
Pendant quatre brèves minutes, Stephen Hawking avait pu, en 2007, s’évader de son fauteuil. Le temps de huit vols paraboliques en apesanteur, dans un avion spécialement aménagé. Il conservait des photos de cette échappée dans son bureau de Cambridge, en bonne place aux côtés d’un poster de Marilyn Monroe. La même année, il s’était porté candidat à un vol spatial. « Il se peut que nous n’atteignions jamais la fin de notre quête, une compréhension complète de l’Univers », avait-il dit un jour. Ajoutant : « Dans un sens, je m’en réjouis. Une fois la théorie ultime découverte, la science ressemblerait à l’alpinisme après la conquête de l’Everest. L’espèce humaine a besoin d’un pari intellectuel. Cela serait ennuyeux d’être Dieu et de n’avoir rien à découvrir. »
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