Le président chilien Sebastián Piñera a annulé deux sommets de première importance, celui de l’Apec et la COP25, qui devaient se tenir respectivement en novembre et en décembre au Chili. Une décision lourde de conséquences, mais aussi l’aveu que le pays a d’autres urgences à traiter.
À SANTIAGO AU CHILI LE 30 OCTOBRE 2019. PHOTO / REUTERS / JORGE SILVA |
“Ce ne fut pas une décision facile, écrit El Mercurio. Tous les objectifs du gouvernement pour cette année étaient focalisés sur ces deux événements.” Et, aux yeux du monde, “ce pays n’est plus la nation sûre qui avançait à bon pas”.
L’Apec, un forum de coopération intergouvernemental des régions du Pacifique – réunissant des pays d’Asie, d’Amérique et de l’Océanie – devait se tenir à Santiago les 16 et 17 novembre. La prochaine rencontre internationale sur le changement climatique, la COP25, devait quant à elle être accueillie par le Chili du 2 au 12 décembre.
Depuis deux semaines, le Chili traverse une profonde crise sociale qui a conduit à l’instauration de l’état d’urgence et à l’intervention de l’armée pour réprimer les manifestations, avant que le gouvernement ne fasse un pas en annonçant des mesures sociales et un remaniement ministériel. Les émeutes ont fait une vingtaine de victimes et des centaines de blessés.
Une image plus vraie du Chili
Le 29 octobre, le président russe Vladimir Poutine annonçait au gouvernement chilien qu’il n’assisterait pas au sommet de l’Apec – sans donner de raisons – mais enverrait son premier ministre, Dmitri Medvedev, rapportait le site Biobiochile.
La Russie n’était pas la seule à soupeser les risques de ce sommet, ajoute El Mercurio dans un éditorial :
« Dix-neuf chancelleries des pays membres [de l’Apec] ou observateurs examinent depuis une semaine la situation au Chili pour savoir si la rencontre pourrait avoir lieu en toute quiétude. »
L’annulation des ces rencontres internationales ternit l’image du Chili et aura des répercussions négatives sur le plan économique, estiment des experts interrogés par le site 24horas : “Le commerce, le tourisme, l’hôtellerie et un grand nombre de PME vont perdre le profit qu’ils espéraient tirer de ces rencontres.”
Mais au fond, assène Osvaldo Rosales, un ancien responsable des relations internationales sous le gouvernement de gauche de Ricardo Lagos (2000-2006), “il vaut mieux que le monde ait une image plus réelle et plus claire de ce qu’est le Chili”.
Un coup dur et malvenu
Le sommet de la COP25 sur les changements climatiques, auquel devait assister la jeune militante suédoise Greta Thunberg, avait été “récupéré” en décembre 2018 par le Chili après que le Brésil de Jair Bolsonaro, en novembre 2018, eut refusé de l’accueillir.
Outre les chefs des États membres, 25 000 personnes devaient y assister à Santiago. Le coût de l’événement était de 62 millions de dollars, dont 35 financés par le budget du pays hôte, précise 24horas.
Quant au sommet de l’Apec, l’ensemble de ses vingt-et-un pays membres représente 64 % des échanges commerciaux mondiaux du Chili. Selon un ancien ministre et membre de l’opposition qui s’exprime dans El Dínamo, “c’est un coup dur pour la politique extérieure” du pays.
Sans compter, ajoute un député vert du pays, dépité, que “ce sont les compagnies pétrolières qui s’en réjouissent”, arguant qu’il est urgent que le gouvernement se charge de réformer la politique énergétique du Chili.
L’urgence est ailleurs
L’annulation des sommets est à la fois l’aveu par le pouvoir d’une “incapacité à garantir l’ordre public” et la volonté de “montrer aux citoyens que personne, y compris le président, n’est sorti indemne de cette crise”, épilogue El Mercurio.
Le 30 octobre, le président a cherché à composer avec le mouvement de protestation en déclarant que des “réformes structurelles” ne sont pas exclues, indique La Tercera, citant le président, mais que pour l’heure l’important était d’entendre les Chiliens, “qui demandent de meilleurs salaires, de meilleurs revenus, de meilleures retraites, de la sécurité, et que le prix des services publics n’augmente pas”.
La réforme structurelle qui est sur le tapis est celle, désormais appuyée par le magistrat porte-parole de la Cour suprême, de l’élaboration d’une nouvelle Constitution pour mettre fin à celle qui prévaut au Chili depuis la dictature de Pinochet.
Sabine Grandadam
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PHOTO MATIAS DELACROIX/AP/SIPA |
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