Comme dans une téléréalité
Depuis le 5 août dernier, la vie de ces mineurs chiliens, prisonniers à 700 mètres de fond et miraculeusement indemnes, est suivie au jour le jour par les médias chiliens, mais aussi par des envoyés spéciaux venus du monde entier. Un campement a été dressé autour du puits pour accueillir les familles et recueillir au passage leur témoignage.
Des bisbilles entre une épouse légitime et une maîtresse ? Une naissance ? La nouvelle est immédiatement à la une. Idem quand les mineurs se rebellent pour avoir du vin et du tabac. Comme dans un programme de téléréalité, les travailleurs coincés sous terre ont reçu les conseils d’un coach pour s’exercer.
Quand une catastrophe arrive, comme celle des mineurs, "il faut gommer tout ce qui est original, étrange, et la normaliser", analyse Carlos Ossa, professeur à l’université du Chili. "Le public peut alors reconnaître et s’approprier" leur destin "qui ressemble à la vie quotidienne", explique ce spécialiste de la communication.
Une "exploitation nationaliste"
Comme n’importe quel Chilien, les mineurs auraient donc dû fêter le 18 septembre dernier le bicentenaire de l’indépendance de leur pays. Le président chilien, au pouvoir depuis six mois seulement, en avait fait une affaire personnelle : ils devaient avoir retrouvé l’air libre pour la date anniversaire.
Las, les engins de forage n’ont pas été à la hauteur de ce que Carlos Ossa n’hésite pas à qualifier d’ "exploitation nationaliste". Depuis, c’est comme si "tout un peuple se levait pour sauver ses mineurs", raconte ce spécialiste chilien. Et ce, même si les excavateurs ont été fournis par des entreprises australo-sud-africaines, américaines et canadiennes.
Les machines en question ont été accueillies par des scènes de liesse :
Plus grave, pour Carlos Ossa, en transformant le cas des mineurs en "spectacle d’aventures, avec des héros épiques, on fait disparaître la question de la culpabilité. Personne n’est responsable", résume et déplore ce spécialiste de la communication.
Avant que le puits ne s’effondre, avant que les caméras s’installent, "les mineurs étaient déjà enfermés, par leurs conditions salariales, par cette obligation de descendre au fond" pour gagner leur vie, analyse Carlos Ossa. Que deviendront-ils à leur sortie ? Certaines familles ont annoncé la semaine dernière qu’elles allaient demander des indemnisations.