C'est la fin du calvaire pour les trente-trois mineurs chiliens et leurs familles. Vers 23 h 15 mardi soir (4 h 15 à Paris), la nacelle métallique "Phoenix 2" est descendue dans le puits de plus de 600 mètres de long, avec à son bord un secouriste. L'opération "San Lorenzo" – le saint patron des mineurs – est lancée.
A MINUIT DIX, PREMIERS CRIS DE JOIE
Lilian Gómez affirme que son époux, Mario, est sans aucun doute "serein", comme à son habitude. Wilson Avalos, oncle de Florencio et Renan Avalos, veut en finir avec "cette angoisse de ne pas pouvoir lever un petit doigt pour faire sortir notre famille, les trente-trois". Maria Silva, la maman des deux frères prisonniers, supporte nerveusement l'attente : "Je suis heureuse de revenir à la vie, mais très anxieuse, un peu à fleur de peau…"
Partout, les caméras internationales s'amassent autour des quelques familles qui ne sont pas allées s'abriter dans la grande tente réservée. A minuit dix, un cri de joie soulève l'assistance : les écrans géants montrent Florencio Avalos, 31 ans, premier mineur à poser les pieds à la surface, embrassant sa femme et ses deux enfants, qui l'attendaient dans une zone réservée en compagnie du président chilien Piñera et des chefs des opérations de secours. Dans la nuit glaciale du désert d'Atacama, des ballons aux couleurs du drapeau chilien s'envolent, les klaxons s'affolent et les bouteilles de champagne sont ouvertes.
"TOUT EST ALLÉ TRÈS VITE"
Une vague de "Chi-Chi-Chi-Le-Le-Le, los mineros de Chile" traverse la foule. "Le sauvetage a commencé plus tard que prévu, mais une fois le processus mis en route, tout est allé très vite ! C'est un événement incroyable, mais maintenant on va attendre la fin et soutenir les autres", confie l'oncle Alberto, grand gaillard aux yeux humides.
Pendant que le président Piñera prononce un discours sur l'exemplarité des trente-trois mineurs, retransmis sur les écrans géants du Camp Espoir, la nacelle grillagée, peinte en bleu et rouge – les couleurs du Chili – redescend dans les entrailles de la mine. Mario Sepulveda, animateur du groupe des trente-trois, sera le deuxième à sortir. Son frère explique : "Nous sommes très émus, mais nous attendons que les trente-trois soient sortis pour vraiment être sereins."
Les mineurs ont été divisés en trois groupes déterminant l'ordre de sortie, "les plus habiles", prêts à tester la capsule et à s'adapter en cas de problème, puis "les plus faibles", âgés ou malades, et enfin "les plus forts".
Les télévisions chiliennes retransmettent ensuite la sortie en fanfare du "clown" Mario, criant déjà et embrassant toute l'équipe de sauvetage. Vers 2 heures du matin, ce sera au tour de Juan Illanes, 51 ans, de revenir sur terre. "Au début, nous étions un peu angoissés, car la capsule semblait mettre beaucoup de temps à remonter. Maintenant, nous sommes surtout émus et nous espérons que tout se passera au mieux pour les autres", raconte son frère Daniel.
"FAIRE LA FÊTE ET PROFITER DE LA VIE"
A 3 heures, c'est le jeune Bolivien Carlos Mamani, seul étranger de la troupe des trente-trois, qui peut enfin enlacer son épouse, Veronica. Au Camp Espoir, son beau-père, Johnny Quispe, entouré de nombreux membres de la famille venus spécialement pour l'occasion, affirme que Carlos va désormais "profiter de la vie", et qu'il va falloir "faire la fête, avec les familles des trente-trois mineurs". D'ailleurs, vers 3 heures du matin, une délicieuse odeur d'"asado" – sorte de barbecue, dégusté par les Chiliens pour toutes les petites et grandes occasions – commence à envahir les lieux...
Nombreux sont ceux qui attendent encore, patiemment, inlassablement, avec cette détermination présente depuis le début. Alberto Segovia, frère du mineur Dario, voit les choses avec philosophie : "Notre frère va sortir en vingtième position. Mais c'est un frère qui va renaître !" Sa sœur Maria, surnommée "la mairesse du Camp" pour ses qualités d'écoute et d'organisation, crie haut et fort : "Nous allons lutter jusqu'au bout !"
De son côté, Gaston Henriquez explique : "Même si mon frère José sera dans les derniers à sortir, nous serons émus de la même manière à chaque nouvelle sortie. Nous sommes tous dans la même histoire, nous attendons pour chaque famille, parce que nous avons lutté tous ensemble pour la même chose." Et d'ajouter : "Aujourd'hui, toutes nos espérances s'accomplissent, c'est un rêve qui devient réalité." En attendant, il reste encore de longues heures avant que les trente-trois et les secouristes soient tous remontés à la surface. A 7 heures du matin (midi heure française), seulement huit mineurs avaient retrouvé leurs familles et la terre ferme du désert d'Atacama.
Lucie de la Héronnière