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jeudi 11 août 2011

AU CHILI, LES ÉTUDIANTS RÉCLAMENT L’ÉGALITÉ DEVANT L’ÉDUCATION

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«  À VENDRE L'ÉDUCATION PUBLIQUE  »
Un tintamarre de protestation mené par les étudiants et leurs soutiens, familles en tête, pour tenter de convaincre le gouvernement de lâcher prise dans l’interminable bras de fer engagé pour réformer le système éducatif.

«ELLE VA TOMBER L’ÉDUCATION DE PINOCHET»

La mobilisation des étudiants chiliens, d’une ampleur inédite, a la peau dure. Presque trois mois de « Marches pour l’éducation », à Santiago, Valparaiso ou Concepción, et des universités publiques pour la plupart paralysées.
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DES ÉTUDIANTS LATINO-AMÉRICAINS MANIFESTENT DEVANT L’AMBASSADE DU CHILI À MONTEVIDO, EN URUGUAY, EN SOUTIEN AUX ÉTUDIANTS CHILIENS, LE MERCREDI 10 AOÛT. PHOTO DANIEL CASELLI / AFP
Mardi 9 août, en dépit d’une pression policière musclée lors de la précédente manifestation, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à défiler sur l’Alameda, artère centrale de Santiago, en scandant, « Elle va tomber, elle va tomber, l’éducation de Pinochet ! ».

La fronde, soutenue par 80 % des Chiliens, selon le quotidien espagnol El Pais, ne cible pas tant la politique éducative actuelle du gouvernement conservateur du président Piñera que les héritages du passé.


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DES MANIFESTATIONS D'ÉTUDIANTS DANS LA NUIT DE JEUDI À VENDREDI AU CHILI SE SONT TRANSFORMÉES EN AFFRONTEMENTS AVEC LES FORCES DE L'ORDRE. PRÈS DE 550 PERSONNES ONT ÉTÉ INTERPELLÉES DANS PLUSIEURS VILLES. IL S'AGIT DE L'ÉPISODE LE PLUS VIOLENT D'UNE CRISE QUI DURE DEPUIS PLUSIEURS MOIS.PHOTO REUTERS 1 AOÛT 2011 

LES GOUVERNEMENTS ACCUSÉS D’AVOIR FAVORISÉ L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ

Un passé marqué par le poids du libéralisme pinochetiste que le retour à la démocratie n’a pas corrigé, et dont les jeunes générations sont usées de porter les stigmates. Les gouvernements successifs sont accusés d’avoir favorisé l’enseignement privé – lequel est de plus en plus cher.

Le Chili, qui consacre 3,4 % de son PIB à l’éducation (2008), est l’un des rares pays du monde où le secteur public regroupe moins de la moitié des élèves. Un déséquilibre plus aigu encore dans le supérieur : 61,8 % des étudiants s’instruisent, à grands frais, dans des universités privées non subventionnées par l’État.

À titre de comparaison, ils sont 20 % chez le voisin argentin, et 1 % en France. Obligés de souscrire à des prêts, les jeunes arrivent bien souvent sur le marché de l’emploi fragilisés par l’épée de Damoclès d’un endettement parfois étalé sur 15 ans.

« Depuis 35 ans, l’éducation privée s’est consolidée grâce aux subsides de l’État qui, dans le même temps, se désengageait en tant qu’institution », avance Bruno Córdova, en dernière année de publicité à l’université de Santiago.

Il déplore que « les pertes soient mutualisées et les profits privatisés » : « les gens sont indignés par ce modèle ».
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MANIFESTATION DE LA JEUNESSE À SANTIAGO DU CHILI CONTRE LA RÉFORME UNIVERSITAIRE. PHOTO REUTERS
UNE MOBILISATION POUR LES DROITS SOCIAUX

La mobilisation exprime un malaise structurel. Pour Matías Bianchi, politologue au think tank latino-américain Asuntos del Sur, « il ne s’agit pas tant d’une lutte idéologique contre le gouvernement Piñera, mais d’un mouvement plus complexe, organisé et mature, qui demande des droits sociaux en adéquation avec le développement économique florissant du pays » (+ 9,8 % de croissance au premier trimestre 2011).

Mais les négociations n’avancent pas. « Il y a une certaine intransigeance des deux côtés », note Ismaël Calabrán, étudiant en architecture à Santiago. « Le gouvernement refuse de considérer une modification de la Constitution – qui date de 1980 et de l’ère Pinochet – alors que les étudiants veulent absolument que le principe d’équité et de gratuité de l’enseignement soit inscrit dans le texte ».

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 LES ÉTUDIANTS CHILIENS MARCHENT DANS LES RUES
PHOTO LUIS HIDALGO
LES ORGANISATIONS ÉTUDIANTES SONT TENACES

Le bras de fer pourrait durer, alors que mardi dernier, des étudiants de très sélective Universidad Católica, privée, ont bloqué pour la première fois un de leurs campus.

« Certains étudiants veulent se remettre au travail, mais c’est surtout pour ne pas perdre une année scolaire que leurs parents payent très cher : exactement ce pour quoi les autres sont dans la rue ! », remarque ironiquement Ismaël.

Du côté de la Moneda, le président Piñera voit chuter sa popularité (26 %, le niveau le plus bas pour un président depuis le retour de la démocratie), plombée par le conflit étudiant et la grogne des mineurs du cuivre.

Tenaces, les organisations étudiantes ont annoncé une nouvelle marche : le 3 septembre, elles veulent réunir 500 000 personnes dans les rues de Santiago.

BENJAMIN LECLERCQ