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Les gens observent une autoroute et des voitures détruites par le tremblement de terre à Concepcion, Chili le 27 février 2010. Photo REUTERS / Jose Luis Saavedra
Il y a 20 ans, nous avons réussi à nous libérer de Pinochet et de la peur que la dictature nous transmettait. Depuis, j'ai toujours pensé qu'il n'y aurait plus rien qui puisse me faire peur de cette façon. La vérité est que, après le séisme du 27 février dernier, j’ai revécu l’angoisse et la détresse d’autrefois.
Se réveiller au milieu de la nuit à cause d’une secousse furieuse de la terre est quelque chose de terrible. Mais il est encore plus dévasteur de réaliser que la société où nous vivons est malade. Ceux qui ont volé des téléviseurs à écran plasma, des ordinateurs, des voitures, au lieu des denrées alimentaires dont ils avaient vraiment besoin semblaient obnubilés par le désir de possèder ce que la société leur impose, les signes du bien-être et du progrès, la course à l'accumulation dans le chaos, peu importe les dégats et les blessés. Depuis les transporteurs de bus ont triplé leurs prix, les entreprises du construction ont déposé leur bilan pour échapper à la responsabilité concernant les bâtiments n'ayant pas résisté au tremblement de terre, le président lui-même, Piñera, a décidé de ne pas vendre ses parts de LAN Chile en raison de leur baisse en bourse. Voilà quelques exemples édifiants.
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Groupe d'autodéfense pour éloigner les pillards de leur quartier, après le séisme et du tsunami qui a suivi à Concepcion le 3 Mars 2010. Photo REUTERS / Victor Ruiz Caballero
Puis sont arrivés les pillages des maisons. Nous avons dû sortir dans la rue pour nous défendre de nos propres voisins, nous avons monté des barricades comme autrefois. Mon fils de 14 ans s’est posté devant la maison, prêt à nous défendre. En le voyant, je me suis vue, au même âge, quand je luttais contre la dictature. Cela m’a fait frémir.
Le tremblement de terre a déclenché la panique. Il y a eu des dommages matériels importants, des décès d'hommes, de femmes et d'enfants, des scènes qui resteront gravées dans nos mémoires. Aujourd'hui, les autorités appellent à reconstruire le pays. Cela sera sans doute possible dans un avenir pas si lointain. Mais comment faire pour soigner la société ? Comment retrouver un Chili juste et équitable ? Comment sensibiliser les gens séduits par le succès qui leur fait miroiter la droite de Piñera ? Comment réveiller un peuple qui n'exerce pas ses droits et se contente de reproduire le modèle encore plus durement ? Sans doute ma capacité d'étonnement n'a pas été épuisée, mais mon angoisse s’ est accrue.
Nous avons beaucoup perdu en tant que société. En termes d’égalité et de justice sociale, nous sommes encore plus bas qu’en 1960, l'année d'un autre important tremblement de terre dont épicentre fut la ville de Valdivia. Notre lutte s’avère longue, dure, difficile. Mais nous devons continuer à donner le meilleur de nous-mêmes pour changer le cours des choses.