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vendredi 5 mars 2010

Le "miracle économique chilien" remis en cause par le tremblement de terre

Ville de Constitution. Les petites localités de la VII Région sont isolées du aux dommages dans les voies du chemin de fer. Photo Juan Carlos Romo
"Il faudra deux ou trois ans pour remettre le pays sur pied", juge le politologue Carlos Peña. Interrogé par téléphone, il rappelle l'ampleur exceptionnelle de la catastrophe : "Ce séisme a été moins intense que celui de 1960, mais il a été plus étendu géographiquement, détruisant la moitié du pays alors que des tsunamis ont rayé de la carte de nombreux petits ports et gravement endommagé l'importante base navale de Talcahuano", près de Concepcion (500 km au sud de Santiago), l'épicentre du séisme. La pêche artisanale est sinistrée. Les villages de pêcheurs ont des allures fantomatiques. L'activité des régions les plus touchées, le Maule et le Bio Bio, au centre et au sud (cellulose, sidérurgie, viticulture), est paralysée.
"Les catastrophes naturelles font partie de l'histoire du Chili et ce n'est pas la première fois que les Chiliens doivent reconstruire leur pays, note toutefois M. Peña. Le Chili n'est pas Haïti." Le politologue mise sur des bases économiques solides et sur la principale richesse du pays, le cuivre, dont le Chili est le premier producteur mondial. Les quatre principales mines, au Nord, n'ont pas été affectées. Pas plus que les élevages de saumon dans l'extrême Sud.
La reconstruction coûtera 33 milliards d'euros (15 % du PIB), selon la compagnie britannique Royal and Sun Alliance, le principal assureur du Chili. Le gouvernement n'a pas encore donné d'estimations officielles. "Le Chili a la capacité d'affronter l'augmentation des dépenses qui seront nécessaires pour assurer la reconstruction", affirme l'économiste Jorge Marshall. "La situation fiscale est très favorable, avec une dette publique pratiquement nulle et une forte épargne grâce aux excédents du cuivre", explique-t-il.
2 millions de sinistrés
Pourtant, les dégâts sont lourds. Outre les deux millions de sinistrés qui vivent dans les rues et les milliers de blessés, 1,5 million de logements a été détruit, des autoroutes et des ponts se sont effondrés, les services d'eau, de gaz, d'électricité et de télécommunications ont été endommagés, des hôpitaux et des écoles sont inutilisables. Les systèmes de santé et d'éducation avaient été l'une des priorités de la présidente socialiste Michelle Bachelet qui cédera le pouvoir, le 11 mars, au nouveau président de droite, Sebastian Piñera.
"Je vais devoir modifier mon programme de gouvernement pour lancer un projet de reconstruction nationale", a annoncé M. Piñera. Pendant sa campagne, cet entrepreneur milliardaire avait promis la création d'un million d'emplois. La croissance économique prévue en 2010, avant le séisme, était de 5 %.
Pour le sociologue Carlos Hunneus, la catastrophe a mis en évidence le fossé entre riches et pauvres. Il cite en exemple la façon dont ont été "réprimés les pillards de supermarchés qui cherchaient à survivre en l'absence d'aide alimentaire". Dans les quartiers résidentiels de Santiago, les constructions, qui respectaient les normes antisismiques, ont résisté. Dans les communes les plus pauvres, les logements sociaux se sont effondrés.

Christine Legrand